Irène
de Alain Cavalier
Sélection officielle
Un certain regard

palme
Sortie en salle : 28 octobre 2009







D'entre les morts

Depuis quelques années, le cinéma d'Alain Cavalier a pris une veine intimiste et autobiographique. Irène reprend le dispositif mis en place dans Le Filmeur, à savoir une caméra numérique à la recherche du temps passé et des doutes actuels du cinéaste. Le journal intime dévoilé par Cavalier n'est pas seulement l'agenda de 1971 dévoilé à l'écran : il constitue la matière même de ce documentaire, qui pourra décontenancer dans un premier temps, au même titre que la lecture d'une missive qui ne nous est pas destinée. Outil d'un travail de deuil non terminé depuis près de quarante ans, l'œuvre est un film d'amour autant que de famille, et l'émotion discrète qu'il distille est avant tout due à une voix off omniprésente, mêlant la confession à l'information, et un montage sous forme de puzzle : albums de famille jaunis, photos volées, images de toiles cirées sur lesquelles sont déposés des objets révélateurs, plans furtifs d'oreillers et traversins, archives d'époque et autoportrait en plan-séquence forment une mosaïque de la recherche d'un amour perdu. Comme le personnage de Scottie dans Vertigo, cherchant à remodeler l'image de Madeleine disparue, Cavalier tente de cerner le mystère de celle qui fut sa compagne, non pour la faire revivre dans le cas présent, mais pour comprendre les zones d'ombre de leur amour détruit et s'affranchir d'un sentiment de culpabilité.

Ancienne Miss France devenue mannequin puis actrice, Irène Tunc (1935-1972) eut de petits rôles au cinéma : on la croise dans Si Paris nous était conté, Léon Morin prêtre, Je t'aime je t'aime ou Les Deux anglaises et le continent. Parfois non créditée au générique, elle était dans le creux de la vague à l'époque de l'accident de voiture qui lui coûta la vie. Alain Cavalier lui-même, qui n'était pas encore le réalisateur reconnu de Thérèse, éprouvait quelque peine à s'imposer durablement dans la profession. Mais aucun extrait de film (pas même La Chamade, unique collaboration entre Irène et Alain) n'apparaît dans le documentaire. La force de Irène est de pouvoir laisser croire, pendant les quarante-cinq premières minutes, que la jeune femme n'a pu être qu'un éternel songe, la projection d'un amour défunt qui n'eut jamais lieu. Souhaitons à Alain Cavalier de poursuivre cette quête introspective dans ces prochains films, lui qui s'avère être, avec Agnès Varda, le plus grand de nos « documenteuristes ».

Gérard Crespo


1h23 - France - Documentaire - Scénario : Alain CAVALIER, en collaboration avec Françoise WIDOFF.

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