Boxes
Les Boîtes
de Jane Birkin
Sélection officielle
Hors compétition





Family Life

Un bord de mer en Bretagne : Anna, cinquante ans, anglaise, emménage dans sa nouvelle maison. Les pièces sont envahies de « boxes », les cartons de déménagement qui renferment mille objets... Mille souvenirs. Anna a vécu beaucoup de vies et son passé surgit des boîtes. Lorsqu'elle les ouvre, apparaissent ceux qui ont compté dans sa vie. Ses parents bien sûr, mais aussi ses enfants et leurs pères, les morts et les vivants. Anna a eu trois filles, chacune d'un père différent. Ses trois hommes sont là et, comme les parents et les enfants, ils reviennent lui parler, l'engueuler, lui pardonner peut-être...

Première réalisation de cinéma de l'ex-fan des sixties, Boxes, tourné dans sa résidence bretonne, a une forte charge autobiographique. On aura compris au vu de ce synopsis que l'actrice et chanteuse tire un bilan de son existence personnelle, la mise en scène semblant servir de substitut de psychanalyse. L'ombre de Serge Gainsbourg (1928-1991) suit le personnage incarné par Maurice Bénichou, père d'une Camille interprétée non pas par Charlotte for ever, qui a failli accepter le rôle, mais par sa demi-sœur Lou Doillon. Et Lou apparaît à l'écran sous les traits de Lilly, jouée avec un punch étonnant par la toute jeune Adèle Exarchopoulos (La Vie d'Adèle). Quant à Jacques Doillon, il a le visage tourmenté de Tchéky Karyo dans une séquence assez trouble, qui curieusement fait écho à une scène de Je t'aime, moi non plus. Car l'univers de cinéma (plus que de la chanson) de Jane B. est également très présent dans le récit et le style de ces Boîtes :


on songe surtout aux psychodrames très écrits de l'auteur de La Pirate, Doillon ayant d'ailleurs été le cinéaste qui a su le mieux exploiter le potentiel dramatique de Birkin. La référence au réalisateur est aussi manifeste avec Michel Piccoli dans le rôle du père, Birkin ayant été sa fille dans La Fille prodigue, son premier Doillon. Piccoli fait également la jonction avec Jacques Rivette qui les avaient dirigés dans La Belle Noiseuse. Et il n'est pas surprenant que Birkin ait choisi Geraldine Chaplin pour le rôle de sa mère, Judy Campbell (1916-2004) : Chaplin, elle aussi actrice anglaise ayant vécu et tourné en France, avait été sa partenaire dans L'Amour par terre de Rivette... « Je voulais que ce soit un film de filles et de femmes... Une question pour toutes les mères et pour outremer », a déclaré Jane Birkin. Si le début du film peine à convaincre, de par un ton fantaisiste trop laborieux (la fausse noyade en mer) et une incursion hasardeuse dans le fantastique, l'œuvre finit par séduire dans ses moments tragiques. On retiendra surtout les échanges presque brutaux entre Jane et John Hurt, dans la peau de son premier mari John Barry (1933-2011). Et lorsque Fanny (Natacha Régnier), sa fille aînée, vient crier son mal-être devant la caméra, le film donne rétrospectivement la chair de poule, compte tenu de la fin tragique de Kate Barry (1967-2013). Même si on pourra être irrité par cet étalage et éprouver un sentiment de gêne semblable à la lecture d'une lettre qui ne ne nous est pas destinée, Boxes est au final un film attachant, bien que mineur.

Gérard Crespo


1h40 - France - Scénario et dialogues : Jane Birkin - Photo : François Catonné - Décors : Raymond Sarti - Musique : Frank Eulry : Montage : Marie-Jo Audiard - Son : François Guillaume - Interprétation : Géraldine Chaplin, Michel Piccoli, Jane Birkin, Natacha Regnier, Lou Doillon, Adèle Exarchopoulos, John Hurt, Maurice Benichou, Tchéky Karyo, Annie Girardot.

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