La Vie d'Adèle - chapitre 1 & 2
de Abdellatif Kechiche
Sélection officielle
En compétition

Palme d'or
Prix FIPRESCI


Sortie en salle : 9 octobre 2013




Avec toi, c’est tout ou rien

Avec son cinquième film, très librement adapté de la bande dessinée Le Bleu est une couleur chaude de Julie Maroh, Abdellatif Kechiche fait une entrée fracassante dans la compétition cannoise, récolte une Palme d’or incontestable et consacre deux actrices lumineuses : trois heures de pur cinéma, de plaisir et de courage.

Dans une classe de première du lycée Pasteur de Lille, La Vie de Marianne est lu en teasing : « Je m’en allais avec un cœur à qui il manquait quelque chose, et qui ne savait pas ce que c’était. » La question est prégnante, à cet âge où les jeunes s’envisagent et découvrent leur corps. Adèle est de ceux-là, que, dès la scène des spaghettis à la bolognaise autour de la table familiale, l’on devine gourmande, goulue, vorace. Dès lors, la bouche d’Adèle, est et sera de tous les gros plans. Sa bouche mais ses larmes aussi, tout à tour de dépit, de rejet de soi, de bonheur, de solitude, d’incompréhension, de douleur.
Un jour Adèle croise dans la rue une jolie tête aux cheveux bleus. Une expérience malheureuse avec Thomas et une déception avec une copine de lycée plus tard, les cheveux bleus réapparaissent dans la lumière tamisée d’une boîte lesbienne. Elle s’appelle Emma, est en quatrième année aux Beaux-Arts et vit avec une certaine Sabine depuis deux ans. Au lycée, où les « amies » ne laissent rien passer, Adèle essuie les insultes, mais, comme aimantées, Adèle et Emma se revoient, se dévisagent et c’est Adèle qui prend l’initiative.

Une passion folle prend alors toute la place, les corps s’entremêlent telles des sculptures animées par le désir, l’envie et chaque instant de ces longues scènes d’amour est redonné comme autant de tableaux dédiés à la beauté.
Il y a aussi les rires d’Adèle, son énergie, son enthousiasme à l’aune de scènes vivifiantes, comme la manifestation « On lâche rien ! », la Gay Pride ou plus tard lorsque Adèle, institutrice épanouie, fait répéter le spectacle de fin d’année aux petits.
Il y aura plus tard le douloureux revers du bonheur et une scène de ménage et de séparation d’une violence inouïe où culmine le talent des deux comédiennes.
À travers Adèle, le réalisateur nous parle de justice (Adèle signifie d’ailleurs « justice » en arabe), de différence de classes, de vocation et d’ambition.

Après trois heures qui passent comme une comète, reste deux questions. L’une sociétale : bien qu’Abdellatif Kechiche ne se pose jamais en militant de l’homosexualité, on peut s’interroger sur ce que sera la vie d’Adèle en terre islamiste, dont il est issu. La seconde est technique : pourquoi ce Chapitre est-il privé d’un « s » malgré le « et » cumulatif ? Peu importe finalement, si ce sous-titre, contrairement au roman inachevé de Marivaux, nous laisse espérer une suite.

Marie-Jo Astic



 

 


3h07 - France - Scénario : Abdellatif KECHICHE, Ghalya LACROIX, d'après la bande dessinée "Le Bleu est une couleur chaude" de Julie Maroh - Interprétation : Léa SEYDOUX, Adèle EXARCHOPOULOS, Jérémie LAHEURTE, Catherine SALÉE, Aurélien RECOING.

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