Like someone in love
de Abbas Kiarostami
Sélection officielle
En compétition



Sortie en salle : 10 octobre 2012




« Tourner au Japon c'est comme tourner en Iran. Que ce soit du japonais ou du perse, c'est toujours du sous-titrage »

Fraîchement accueilli lors de sa présentation en compétition officielle, Like someone in love n'est ni un ratage ni même un film mineur dans l'œuvre de Abbas Kiarostami. Cruel jugement que celui d'une certaine tendance de la critique, qui se pâmait devant la moindre ouverture de portière dans Le goût de la cerise ou le premier bruissement d'arbre dans Au travers des oliviers et peine désormais à suivre un cinéaste souhaitant élargir son horizon. Aveuglement et trahison d'une certaine politique des auteurs ? Toujours est-il que cette première réalisation japonaise du plus grand cinéaste iranien, coproduite avec la France (Marin Karmitz) mérite une surévaluation. On avait remarqué avec Copie conforme que Kiarostami cherchait à se renouveler, en s'ouvrant à d'autres territoires géographiques, changeant de cadre technique, culturel et artistique.

Après avoir dirigé Juliette Binoche dans une subtile mise en abyme italienne, Kiarostami scrute un univers japonais bien éloigné de ses boulevards iraniens ou des montagnes rugueuses qui constituaient le cadre de ses films antérieurs. On est ainsi frappé par une photo très travaillée et des décors cossus qui contrastent avec le naturalisme de Où est la maison de mon ami ? ou Ten. On semble au premier abord plus proche de l'esthétisme d'un Wong Kar-wai que du réalisme minimaliste qui semble être la marque de fabrique de tout un cinéma iranien, de Jafar Panahi à Ashgar Farhadi. Mais il faudrait plutôt aller chercher chez Ozu la source d'inspiration de son exil nippon.

Dès la séquence d'ouverture, Like someone in love distille en fait un parfum de mystère : dans un bar japonais, on se demande qui parle et quelle est la véritable identité de cette jolie jeune femme. Akiko s'avère être une séduisante étudiante qui doit vendre ses charmes pour payer ses études. Le récit se concentre alors sur Takashi, un universitaire retraité, garant des traditions, qui sera amené à entrer en contact avec Akiko dont nous suivrons vite le déplacement en taxi pour se rendre dans le somptueux appartement du vieil homme... On reconnaît alors l'art de Kiarostami fidèle à certains de ses traits de style : une limpidité linéaire, une volonté de scruter des personnages tant ordinaires qu'insolites, des dialogues en plans-séquences, un découpage en quelques parties savamment agencées, des plans fixes pour des scènes d'échanges verbaux dans des automobiles.

Comme l'écrit Pierre Rissient, « Like someone in love transperce les êtres, fouille les sentiments les plus intimes, encore secrets à ces êtres eux-mêmes, capte jusqu'au vertige le destin qui s'empare inextricablement de chacun d'eux, un destin qui semble les avoir jetés dans la même houle pour un instant plus tard les rejeter, transis, dans leur seule nudité ». Abbas Kiarostami, loin de s'embourgeoiser et de sombrer dans l'esthétisme abscons, trouve ici un nouveau souffle à son inspiration. Comme Antonioni dans Blow-up ou Renoir dans Le fleuve (autres merveilles méjugées en leur temps), il se ressource dans un pays aux antipodes du sien et enrichit sa palette. Une présence au Palmarès (Prix du Jury ou du 65e anniversaire), aurait pu distinguer ce cinéaste pour son aptitude à briller là où on ne l'attendait pas.

Gérard Crespo

 

 

 


1h49 - Japon - Scénario : Abbas KIAROSTAMI - Interprétation : Tadashi OKUNO, Rin TAKANASHI, Ryo KASE.

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