Requiem de Alain Tanner avec Francis Frappat, André Marcon, Zita Duarte... Quinzaine des Réalisateurs |
Le livre d'Antonio Tabucchi - Requiem - relatait la rencontre réelle ou imaginaire du narrateur avec les êtres qui avaient compté dans sa vie. De ce récit nostalgique dans lequel le personnage, Paul, est en proie à des hallucinations tranquilles ("fantôme" en portugais sonne comme "fantasme" en français le film a été tourné dans les deux langues), Alain Tanner a donné à voir un film à la trame simple, d'une facture classique : une stricte unité de lieu (Lisbonne) et de temps (une journée chaude de juillet) sert de cadre à la rencontre entre le narrateur, Francis Frappat à l'écran en élégant lettré lusophone, et les morts convoqués dans la ville qu'il arpente (unité d'action). à l'image, un unique présent énonciatif réunit Paul et ses êtres chers pourtant disparus depuis longtemps. Ces derniers constituent en quelque sorte des anges soudain ancrés dans la réalité de ce jour d'été-là, dans Lisbonne asphyxiée, | appelés une dernière fois à
rendre des clefs à ce français ami-fils-amant-admirateur, toujours
un peu perdu et mélancolique. Cette journée, présentée
par une prophétesse comme l'accomplissement d'"un destin, une tribulation,
une purification" constitue bien la quête de sens d'un homme dont
la vie semble surtout un terrain d'errance, une recherche d'un passé
révolu dans l'indigence du présent. Le spectateur est bien
sensible aux images toujours profondes des rues pentues de la capitale portugaise,
parcourues par les rails des trams (on repense tout de même avec tendresse
aux pellicules super-8 tournées par le protagoniste de Dans la ville blanche du même Tanner il y a quinze ans) ; certes, les clapotis des
vagues molles, les violons émus et les valses du cru viennent caractériser
l'atmosphère suspendue de la torpeur dans laquelle sont plongés
Lisbonne et Paul dans une nostalgique complicité... Mais cela ne saurait faire oublier le malentendu qui s'installe dès le début du |
film entre le réalisateur et le spectateur : la curieuse perméabilité du temps qui fait franchir sans ambages aux hommes la barrière de la mort est plus que troublante pour la raison, et la poésie n'y gagne rien ; improbable, la situation dérange au point de reléguer cette histoire somme toute ennuyeuse au rang des contes merveilleux. Le rêve dont on nous parle beaucoup ne prend pas ; le pacte de lecture, cette fois, ne sera pas scellé. Alain Tanner a su être plus convaincant. Didier Perrin-Terrin |