Inquiétude
de Manoel de Oliveira
avec Luis-Miguel Cintra,
Jose Pinto, Leonor Silveira...
Sélection officielle
Hors compétition
 

Inquiétude ou le désir d'éternité... Comment devenir immortel quand on est très célèbre, couvert d'honneur et de gloire ? Ce pourrait être la préoccupation en forme de pied de nez de Manoel de Oliveira, qui entame ses dix derniers pour cent de siècle d'existence. Pour sa neuvième participation à Cannes, le réalisateur commence à donner un semblant de réponse à travers une séquence où deux scientifiques éminents, père et fils, discourent sur la question. Le père, d'un âge plus qu'avancé, tente de convaincre son fils, qui a déjà depuis un moment la carte Vermeil, que le suicide est l'alternative à une décrépitude imminente. Et voilà qu'ils chutent dans le vide... mais nous sommes en fait au théâtre, et cette farce tragique n'est que le premier élément d'un triptyque. Le second nous mène dans les années trente, où Suzy, une "poule de luxe", meurt et laisse anéanti un dandy qui vécut une intense histoire d'amour avec elle. Narrée en flash-back pour consoler le pauvre homme, la troisième histoire est celle de Fisalina, campagnarde aux doigts d'or qui deviendra pour mille ans la mère d'un fleuve... Il est bien étonnant de voir le réalisateur des Cannibales réunir trois adaptations (Les immortels de Prista Monteiro, Suzy de Antonio Patricio et Mère d'un fleuve de Agustina Bessa-Luis), comme si le temps lui manquait pour en faire trois films différents. Cela dit, les trois maillons sont enchaînés de manière astucieuse, et le désir latent d'atteindre à l'immortalité chez les pauvres mortels que nous sommes, constitue un fil rouge qui justifie le titre Inquiétude. Fidèle à un filmage en longs plans-séquences, de Oliveira l'est aussi à des acteurs qui ont

donné vie à beaucoup de ses personnages, comme Luis Miguel Cintra, José Pinto, Leonor Silveira ou Dioga Doria. Eclairé magnifiquement par Renato Berta, Inquiétude poursuit le voyage du réalisateur au début du monde, où les souvenirs tentent d'investir l'éternité.

Jean Gouny

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