Les Idiots
Dogma 2: 'The Idiots' (Idioterne) - de Lars von Trier
avec Bodil Jorgnesen, Jens
Albinus, Anne Louise Hassing...
Sélection officielle

 

Qu'arrive-t-il lorsque quatre mousquetaires danois revisitent le Décalogue pour parfaire leur éthique cinématographique ? Le résultat de leurs investigations aboutit d'abord à un "vœu de chasteté" des cinéastes, qui renoncent en dix résolutions à tout subjectivisme dans l'exercice de leurs fonctions. En clair, c'est une renaissance de cinéma qu'ils proposent à travers Dogme 95, une charte destinée à promouvoir "un certain cinéma", exempt de trucages, filtres ou effets spéciaux, bref de toute aliénation technique qui viendrait entraver l'émergence de la vérité du propos. " Mon but suprême est de forcer la vérité à sortir de mes personnages et du cadre de l'action " nous dit Lars von Trier. Il ajoute : " Je jure de faire cela [...] au prix de tout bon goût et de toutes considérations esthétiques ". C'est de cette orthodoxie qu'est né Idioterne (titre original). La gageure réside dans l'aspect "remake" de l'expérience, mais s'avère être une catharsis tout aussi efficace que l'ont été les précédentes avant-gardes, qui vient à point nommé pour oxygéner un cinéma en passe de devenir trop conventionnel. Mais revenons à nos Idiots. C'est un très beau travail d'équipe (les acteurs à défaut d'être "normaux" sont tous exceptionnels), riche d'une idée maîtresse jubilatoire : expérimenter la débilité mentale à travers un "groep" de jeunes gens qui en testent, entre eux et à l'"extérieur" les représentations sociales. Concrètement, dix personnages se produisent dans la rue, dans les lieux publics, en simulant un groupe d'"idiots" sortis de leur institution, accompagnés de leurs éducateurs. Cela rappelle les "exploits" du Théâtre de l'Opprimé d'Augusto Boal. Mais celui-ci, qui avait comme raison d'être l'opposition aux dictatures militaires d'Amérique Latine, ne fouettait pas les mêmes chats...
Ses principes, en bref, étaient de transformer le spectateur passif en un

protagoniste de l'action dramatique tout en préparant le futur : la révolution. Les Idiots font aussi leur révolution : s'il est vrai que leurs préoccupations ne sont pas neuves, elles n'en demeurent pas moins fondamentales car elles s'autorisent une transgression dont la drôlerie nous gagne. Jusqu'à nous inciter à jouer ces idiots-là ?

Nicolas Fine


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