La ville de Djojakarta à Java. Des bidonvilles commme dans toutes les grandes villes de pays en voie de développement. Trois enfants des rues parmi beaucoup d'autres, vivent de mendicité, de petits boulots et se droguent. Asih leur prodigue cet amour maternel qui leur manque tant. Elle refuse de les juger, de les commander mais les secoue de temps en temps, leur apprend à se défendre, tente de leur donner l'envie de vivre. Eux, se font durs, ne se démontrent aucune affection mais sont unis par une sorte d'entraide forcée, celle d'un clan continuellement en péril. Garin Nugroho, jeune réalisateur indonésien qui a déjà plusieurs films à son actif dont un certain nombre de documentaires, signe ici une œuvre remarquable, dure, réaliste et sensible. L'atmosphère humide et poisseuse de la mousson renforce l'impression de pauvreté, de saleté, de désespoir. Jamais pourtant, le cinéaste ne sombre dans le mélodrame. Sans aucune concession, il suit, tel un ethnologue, ces enfants condamnés à vivre et à mourir dans leur bidonville. Aucune autre issue ne semble se faire jour au fil du film. Pourtant, s'ils continuent à se battre pour leur vie, c'est qu'ils nourrissent obstinément des projets d'avenir ! " Sans espoir de concrétisation " nous assène le cinéaste tout au long de son film réquisitoire. Et lorsqu'à la fin, Nugroho, par l'intermédiaire d'un journaliste, nous entraîne dans l'univers "occidentalisé" de la bourgeoisie locale, c'est pour mieux dénoncer l'impuissance hypocrite de celle-ci à faire évoluer les choses. Pire ! Quelques escrocs abjects profitent de la situation effrayante des enfants pour organiser un trafic de sang très lucratif. Un film grave injustement oublié par la critique.

Christiane Seguron