Ceux qui m'aiment
prendront le train

Those Who Love Me Can Take the Train - de Patrice Chéreau
avec Pascal Greggory, Jean-Louis
Trintignant, Valeria Bruni-Tedeschi
Bruno Todeschini, Sylvain
Jacques, Vincent Perez, Roschdy
Zem, Dominique Blanc, Sylvain Jacques...
Sélection officielle
Compétition
 
" Il faut s'aimer même si ça fait mal, il faut s'aimer, même mal... "

C'est bien connu, la famille et les amis se retrouvent aux enterrements... même s'il faut se rendre à Limoges alors que le défunt, un peintre à la personnalité marquée autour duquel gravitaient autant de faux amis, de vrais admirateurs, de femmes et d'amants, avait quitté la bourgeoise petite vie familiale de province pour exercer son art à Paris. Après tout, "ceux qui m'aiment prendront le train...". Tous les fidèles vont donc faire le voyage et on les découvre à la gare, dans le désordre organisé d'une mise en scène étonnante, où la caméra passe de l'un à l'autre sans que l'on sache vraiment encore qui est qui, qui est avec qui, et surtout quelles relations entretenait feu Jean-Baptiste avec ce petit monde.
Dans le train, exiguïté oblige, la caméra deviendra plus intime et plus pesante à la fois. Cette première séquence, dont le point d'orgue est atteint lors d'un arrêt du train (et de la bande musicale), moment de vérité entre François (excellent Pascal Greggory qui aurait bien mérité le prix d'interprétation masculine) et son compagnon de vie du moment (Bruno Todeschini, étonnamment vrai dès qu'il apparaît dans le cadre). Le deuxième mouvement, à la fois plus court et plus lent, au cimetière gigantesque de Limoges (où les tombes sont plus nombreuses que les âmes qui vivent...), sera un tremplin pour la troisième séquence. Dans la maison familiale où vit encore Lucien, frère de l'artiste qui a repris l'entreprise de fabrication de chaussures, toutes les tensions vont se décompenser et c'est là que Patrice Chéreau réussit

parfaitement ce qui manquait à certains de ses films : grâce à une mise en scène fluide et plus ample que dans la première partie, tous les personnages, chargés de leurs faiblesses, de leurs rancœurs, de leurs comptes à régler avec les uns et les autres autant qu'avec eux-mêmes, vont mettre à nu leur chaleur, leur vérité, leur fragile authenticité. Ce voyage - forcément initiatique ! - va resserrer des liens après les avoir dénoués non sans avoir changé les boucles, va rapprocher certains de ceux qu'ils fuyaient... ou d'eux-mêmes. Jean-Baptiste, du fond de sa tombe semble leur rappeler à tous qu'ils sont mortels, et "qu'il faut aimer, même si ça fait mal, qu'il faut aimer, même mal".

Jean Gouny


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