Whitney |
« Tu m’as tout donné, tu m’as tout repris… » S’il s’adresse essentiellement aux fans de Whitney Houston (1963-2012), le documentaire de Kevin Macdonald (Le Dernier roi d’Écosse) n’en demeure pas moins agréable et attachant, malgré le dispositif formel peu novateur : archives familiales dévoilées, témoignages de proches en plans fixes, interviews télé et extraits de spectacles dont son hommage aux soldats américains de la guerre du Golfe ou son concert danois de 2010, où elle est devenue l’ombre d’elle-même. Fille de la chanteuse Cissy Houston, Whitney a été l’une des stars de la variété internationale des années 80 et 90, triomphant avec des tubes comme On Moment in Time ou I Will Aways Love You. Une belle voix tant mélodieuse que puissante, une beauté de mannequin et une élégance (pas si) naturelle lui ont assuré une place confortable au panthéon des divas de la chanson, même si l’on peut regretter son image lisse et le fait que son talent ait été utilisé pour des ritournelles sucrées et consensuelles, loin de l’art poétique d’une Judy Garland ou de la subversion créatrice d’un David Bowie. S’il n’évite pas toujours le ton des tabloïds et le style du dossier-enquête du Paris Match qui traîne dans la salle d’attente de votre dentiste, le film a le mérite de montrer une autre Whitney Houston, que l’on a toujours empêché d’être elle-même : une famille d’artistes avide l’a propulsée sur le devant de la scène non sans avoir pris soin de lui donner une éducation religieuse et de « blanchir » ses traits de personnalité, outre son apparence physique ; |
ses producteurs n’ont guère voulu lui faire prendre de risques, ne faisant qu’exploiter un filon jusqu’à saturation ; un époux toxique l’a conduite sur le chemin de la drogue qui l’a empêché de mener sereinement sa carrière ; quant à Hollywood, il n’a sollicité la popstar que pour de piètres projets, du médiocre Bodyguard (avec Kevin Costner) à l’insignifiant drame musical Sparkle, Whitney ayant rejoint la cohorte des artistes musicaux massacrés par le septième art, d’Edith Piaf à Prince… Pourtant, le film, s’il ne cède en rien aux sirènes de l’hagiographie, n’ose pas pour autant aller trop loin dans l’esprit critique et l’analyse de la machine à broyer que peut constituer le show-biz. Il préfère se focaliser sur d’autres éléments de la vie de Whitney à la base d’un mal-être qu’elle ne manifestait pas en public : les relations avec sa cousine, la chanteuse Dee Dee Warwick (1945-2008), qui aurait sexuellement abusé d’elle quand elle était enfant, les rapports difficiles avec sa fille, Bobbi Kristina Brown (1993-2015), retrouvée morte dans les mêmes circonstances que sa mère, et autres malédictions qui semblent avoir entravé sa sérénité. Le réalisateur parvient toutefois à éviter toute complaisance, un montage adroit et sobre glissant sans effets de l’univers personnel à la vie professionnelle, sans chercher le pathos. Loin de se fourvoyer tel Wim Wenders à génuflexion devant le pape, Kevin Macdonald se tire donc plutôt honorablement d’un projet casse-gueule qui aurait cependant davantage sa place sur le petit écran ou une plate-forme de streaming.
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2h - Royaume-Uni, États-Unis - Documentaire - Distributeur : ARP SÉLECTION. |