Thunder Road
de Jim Cummings
Acid
Mention spéciale Coup de cœur CinÉcole








Rien sur ma mère

Après trois courts métrages dont un hilarant Parent Teacher cette année, Jim Cummings a repris celui de 2016 pour le plan-séquence inaugural de son premier long métrage Thunder Road. Identique en apparence, mais en fait retourné intégralement, ce brillant long et lent travelling avant lors de la cérémonie d’obsèques de la mère du jeune flic texan Arnaud, nous prive cette fois de la bande-son de la chanson de Bruce Springsteen… mais en nous gratifiant d’une improbable chorégraphie qui restera dans les annales funéraires !
Autant dire tout de suite que Jim Cummings est un phénomène. Acteur, auteur et réalisateur, il signe aussi la partition musicale de son film comme s’il voulait faire mieux que Robert Mitchum qui, en 1958, avait laissé son empreinte sans doute la plus personnelle en étant l’acteur principal, l’auteur mais aussi le producteur et l’interprète de la chanson dans le Thunder Road d’Arthur Ripley.
L’agent Jimmy Arnaud est donc un flic trentenaire dont la mort récente de la mère n’est sans doute pas l’unique raison de ses comportements névrotiques ! Élevant seul sa fille Crystal (Kendall Far) et plutôt bien, il aurait une fâcheuse tendance à la bavure quand il s’agit de jouer au gendarme et au voleur dans la vraie vie. Le problème (mais la très grande réussite du film) est justement ce rapport à la réalité. Car la vision que nous, spectateurs, avons des tribulations de Jimmy, appartient semble-t-il totalement à l’univers intérieur du personnage, frisant la psychose.

Du coup, le fait de passer d’un rire grotesque qu’on pourrait presque se reprocher à une amère tristesse pas loin du factice, devient totalement accepté et jouissif quand on sait que peut-être tout cela n’est que la projection de la réalité avec la lentille déformante de Jimmy/Jim. Comme tout est montré par le regard du personnage, on est sans cesse sur un chemin narratif escarpé, avec le vide de part et d’autre, avançant malgré tout grâce à une mise en scène épurée mais efficace (la caméra mobile autour de la rixe entre Jimmy et son bienveillant collègue officier Nate Lewis, magnifiquement interprété par Nican Robinson, est un moment de grâce troublante). Il y a un côté Roberto Benigni, mais celui de Il Piccolo Diavolo, avec ce physique maladroitement dégingandé qui occupe pourtant tout le cadre, et cette façon de parler sans cesse comme une pensée permanente à voix haute, tout en n’étant jamais bavarde. Les mots, seuls liens apparents avec le monde des autres, traduisent finement les failles qui l’empêchent de s’y rattacher vraiment. Mais peut-être est-ce ce monde-là qui est plus délirant et atteint d’un incurable mal…
Jim Cummings est de ces cinéastes inventifs et prolifiques dont il sera bon de suivre la carrière.

Jean Gouny



 

 


1h30 - États-Unis - Scénario : Jim CUMMINGS - Interprétation : Jim CUMMINGS, Kendall FARR, Nican ROBINSON, Chelsea EDMUNDSON.

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