Le Silence des agneaux |
« J'aimerais poursuivre cette conversation mais j'ai un vieil ami pour le dîner » Un psychopathe connu sous le nom de Buffalo Bill sème la terreur dans le Middle West en kidnappant et assassinant des jeunes femmes. Clarice Starling (Jodie Foster), un jeune agent du FBI, est chargée d’interroger l’ex-psychiatre Hannibal Lecter (Anthony Hopkins). Psychopathe redoutablement intelligent et porté sur le cannibalisme, Lecter est capable de lui fournir des informations concernant Buffalo Bill ainsi que son portrait psychologique. Mais il n’accepte de l’aider qu’en échange d’informations sur la vie privée de la jeune femme. Entre eux s’établit un lien de fascination et de répulsion… Adapté d’un best-seller de Thomas Harris, Le Silence des agneaux a révolutionné le thriller des années 90, inspirant des polars avec tueurs en série de la trempe de Seven de David Fincher. Le matériau littéraire de base est certes remarquable et la trame policière un modèle de suspense policier, mais cela n’enlève rien au mérite du scénariste (Ted Tally) et du réalisateur, qui ont réussi un modèle de film sur le thème de la manipulation tout en concoctant une ambiance à la fois distanciée et glauque, sobre et malsaine, épurée et horrifique. D’un féminisme audacieux (l’héroïne est une jeune femme encore en formation, déterminée mais émotive, ambitieuse mais terre à terre), Le Silence des agneaux casse la convention qui veut que le « méchant » soit au cœur de l’intrigue policière. Hannibal Lecter a certes un rôle essentiel dans la résolution de l’énigme mais son comportement atroce n’en fait pas la figure centrale du MacGuffin. Il n’en reste pas moins que son intelligence diabolique et son raffinement apparent contrastent avec la sauvagerie de ses actes. En ce sens, la caractérisation de son personnage est la radicalisation des traits de personnalité des « grands seigneurs méchants hommes » du polar américain de l’âge d’or, tels Claude Rains dans Les Enchaînés, Clifton Webb dans Laura, ou Ray Milland dans Le Crime était presque parfait. |
Loin de s’enfoncer dans les ramifications psychanalytiques de l’intrigue (Clarice a indiscutablement un problème à régler avec son enfance et la mort de son père), Le Silence des agneaux les utilise pour insuffler un rythme au récit, reprenant par là même les leçons d’un Hitchcock qui utilisait la théorie de Freud à la seule fin d’efficacité narrative. L’essentiel est donc ailleurs : dans ces travellings oppressants qui accompagnent la jeune femme dans les couloirs de la prison, ou le face-à-face final dans l’obscurité, la mettant en présence du criminel. C’est donc peu dire que le travail de metteur en scène de Jonathan Demme est essentiel, et contribue au pouvoir de fascination exercé par ce thriller qui culmine avec la séquence d’évasion la plus terrifiante de l’histoire du cinéma. On regrettera juste une transphobie implicite, qui doit être replacée dans le contexte de l’époque, et que l’on pardonnera compte tenu de l’implication de Jonathan Demme dans le consensuel Philadelphia (1993), film emblématique des années sida, son second gros succès public. Évoquer la force du Silence des agneaux, c’est aussi rendre hommage à ses interprètes : si Anthony Hopkins a fait d’Hannibal Lecter le personnage de cinéma le plus flippant depuis le Norman Bates de Psychose, Jodie Foster n’en est pas moins remarquable, dans ce qui reste le plus beau rôle de sa riche carrière. Le film fit un tabac à la cérémonie des Oscars où il remporta cinq statuettes pour le meilleur film, le meilleur acteur, la meilleure actrice, le meilleur réalisateur et le meilleur scénario. Il reste le titre de gloire d’un cinéaste inégal mais dont tout un pan de la filmographie (Dangereuse sous tous rapports, Un crime dans la tête) mérite d’être redécouvert.
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1991 - 1h58 - États-Unis - Scénario : Ted TALLY, d'après le roman de Thomas Harris - Interprétation : Anthony HOPKINS, Jodie FOSTER, Scott GLENN, Ted LEVINE, Anthony HEALD, Diane BAKER. |