La Religieuse |
Mon Dieu, qu'est-ce que j'ai fait pour mériter ça ? Au XVIIIe siècle, Suzanne Simonin est cloîtrée contre son gré par ses parents qui la destinent à la vie conventuelle sans qu’elle en ait la vocation. Rebelle à toute autorité, et désirant retourner à la vie civile, elle subira la cruauté d’une abbesse sadique qui lui infligera humiliations et tortures, la croyant possédée par le diable. Suzanne obtient sa mutation par voie juridique dans un autre couvent dont l’ambiance est beaucoup plus dilettante et dans lequel elle sera confrontée aux avances amoureuses et sexuelles de sa nouvelle abbesse. |
Sœur Sainte-Christine (Francine Bergé), qui la remplace, représente l’intégrisme et l’intolérance de l’institution religieuse. Des privations à l’isolement, le martyre de Suzanne, que l’on veut faire exorciser, suscite une réaction équivoque de la hiérarchie catholique, la sévérité des brimades étant reconnue mais l’affaire étouffée pour ne pas susciter de scandale. Rivette apporte même une tonalité fantastique à certains événements, Suzanne adoptant un comportement étrange de par l’ostracisme dont elle est victime. Un volet aux tonalités buñueliennes imprègne le film dès sa troisième partie avec la mutation de Suzanne au couvent dirigé par Mme de Chelles (Liselotte Pulver). L’atmosphère détendue, futile et conviviale qui règne dans la communauté, ainsi que les intentions amicales dont est l’objet Suzanne, cachent en fait un comportement qui en veut à sa propre intégrité physique... Audacieux pour l’époque de Diderot, ce pamphlet contre l’aliénation religieuse, toujours d’actualité, est l’un des films les plus forts de Rivette, de par la perfection de sa dramaturgie. Le thème du complot, qui parcourt son œuvre depuis Paris nous appartient, prend ici une résonance particulière. On est stupéfait par l’épure de sa mise en scène et le refus de tout effet inutile, le sifflement du vent et de rares stridences musicales suffisant à créer un climat sonore frissonnant. Anna Karina est parfaite dans ce rôle d’une rebelle jusqu’au-boutiste. Son très léger accent danois apporte une note supplémentaire de distance à un jeu tout en nuances. Une autre version a été réalisée par Guillaume Nicloux en 2013, avec Pauline Etienne, Françoise Lebrun et Isabelle Huppert. Restauration 4K d’après le négatif image original. Restauration son à partir du négatif son (seul élément conforme). Travaux réalisés par le laboratoire L’immagine Ritrovata sous la supervision de Studiocanal et de Madame Véronique Manniez-Rivette avec l’aide du CNC, de la Cinémathèque française ainsi que du Fonds culturel franco-américain. Gérard Crespo
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1966 - 2h15 - France - Scénario : Jacques RIVETTE, Jean GRUAULT, d'après le roman de Denis Diderot - Interprétation : Anna KARINA, Lisette PULVER, Micheline PRESLE, Francine BERGÉ, Francisco RABAL. |