Cómprame un revólver |
L’enfance nue Quelque part au Mexique, dans un décor de western, Huck, une petite fille, vit là avec son père, leur caravane posée près d’un vaste terrain de baseball abandonné. Certains soirs, les narcos y organisent des matchs avec bière, crack et bagarres. Huck porte un masque, car on raconte que les filles disparaissent. Elle et ses copains, une bande à la « Peter Pan » passée maître dans l’art du camouflage, complotent pour éliminer le chef des narcos, terreur de ce no man’s land. Un jour, une fête est organisée pour l’anniversaire du caïd… Julio Hernández Cordon a déclaré à propos de son film qu’il « est une histoire d’amour, de paternité dans un espace sans règle. Le royaume de la loi du plus fort, où rien n’a d’importance si ce n’est tromper la mort. Cette histoire parle de ce Mexique conflictuel et sauvage, où les institutions sont invisibles et où la vie des gens dépend de l’humeur des criminels. La forme du film repose sur l’improvisation, du tournage jusqu’aux dialogues. Il n’y a pas eu de répétition et la plupart des acteurs ne sont pas des professionnels ». Réalisateur d’origine mexicaine et guatémaltèque, Julio Hernández Cordon a écrit et filmé une métaphore sur la situation sociale d’une Amérique centrale gangrénée par le pouvoir mafieux des cartels de la drogue, l’oppression des femmes et des enfants, et les atteintes aux droits humains fondamentaux. C’est peu dire que l’univers décrit dans le métrage fait froid dans le dos, des milices semi-officielles semant la terreur au sort des enfants victimes des pires sévices, le tout dans un contexte politique à la frontière d’une dictature clanique et d’une anarchie où sévit la loi de la jungle. |
Grossissant forcément le trait, le cinéaste ne cherche pas la démarche documentaire et préfère assumer le genre de la dystopie, quelque part entre les Mad Max et Le Fils de l’homme de son compatriote Alfonso Cuarón. L’originalité du réalisateur est d’avoir greffé à ce projet l’univers des contes cruels de l’enfance, tels Sa Majesté les mouches ou Huckleberry Finn, à travers le regard de cette fillette à la fois innocente et endurcie, fragilisée par son statut mais déterminée à survivre dans ce monde de brutes. Déguisée en garçon pour échapper au pire, Huck, incarnée par la propre fille du réalisateur, n’est pas sans évoquer d’autres figures enfantines vouées à masquer leur genre, de Sylvia Scarlett à la jeune héroïne du film d’animation Parvana, une enfance en Afghanistan. Mais c’est surtout la figure du chef de réseau qui donne au film sa tournure la plus vertigineuse : masqué par une cagoule dans la première moitié du film, ce caïd androgyne, tour à tour terrifiant et protecteur, est digne des meilleurs bad guys du cinéma criminel. Il est dommage que le réalisateur n’ait pas approfondi ce personnage, préférant se focaliser sur une relation père-fille qui peine à tenir la route pendant tout le récit. Cómprame un Revólver n’en révèle pas moins un auteur prometteur. Gérard Crespo
|
1h24 - Mexique - Scénario : Julio HERNÁNDEZ CORDON - Interprétation : Ángel LEONEL CORRAL, Matilde HERNANDEZ GUINEA, Rogelio SOSA. |