Bagdad Café |
« I’m Calling You » Après une scène de ménage, Jasmin atterrit au Bagdad Café, motel minable entre Disneyland et Las Vegas. La patronne, Brenda, Noire tapageuse et insatisfaite, règne sur tout un petit monde de routiers et de personnages énigmatiques. Peu à peu, Jasmin se fait apprécier de tous et remet même le café à flot grâce à des numéros de magie. Entre Brenda et elle, le sentiment de méfiance cède la place à une solide amitié… Curieuse destinée que celle de ce « petit » film indépendant, signé par le réalisateur de Céleste (1980), œuvre confidentielle récompensée par quelques prix, mais qui ne fit pas réellement décoller la carrière du cinéaste allemand Percy Adlon. Sorti sans battage publicitaire, avec un casting d’acteurs presque tous inconnus, Bagdad Café rencontra un bouche-à-oreille favorable dans tous les pays où il fut distribué, au-delà du cercle du public des salles d’art et essai, et obtint le statut de film culte, conforté par plusieurs trophées, dont le César du meilleur film étranger. À quoi tient le miracle ? On décèlera d’abord la fluidité d’un scénario véhiculant un beau message de tolérance et d’ouverture, sans la mièvrerie inhérente à certaines productions. Car, et c’est le second atout du film, le ton se veut décalé, les personnages pittoresques, le tout baigné par une ambiance privilégiant le sens de l’atmosphère. Bagdad Café a ainsi le charme d’une complainte de blues, attesté par le leitmotiv musical, la sublime chanson « I’m Calling You » (composée par Bob Telson et interprétée par Jevetta Steele). |
Par ailleurs, le film est le beau portrait de laissés-pour-compte de l’Amérique, pas vraiment marginalisés, mais peu représentatifs de l’american way of life : Brenda élève seule deux enfants ainsi que le bébé de sa fille adolescente, mère célibataire, et est entourée d’une faune peu portée sur le conformisme ; du peintre naïf désabusé (génial Jack Palance) au jeune pianiste fauché, en passant par la tatoueuse aux multiples talents, ils forment une micro-communauté hétéroclite mais soudée. Qu’une touriste bavaroise rigide (cliché que le cinéaste fera éclater) tente de s’intégrer à cet univers constitue l’élément à la fois comique et, in fine, émouvant de la trame narrative. On sera également sensible aux multiples effets de style, que d’aucuns ont assimilé à des afféteries, mais qui contribuent au pouvoir de fascination de l’œuvre : filtres, caméra penchée, poses arty ont plutôt résisté aux effets de mode et au verdict des années. Le film révéla au grand public deux actrices inspirées, Marianne Sägebrecht et CCH Pounder, mais elles n’obtiendront plus de rôles d’une telle intensité. Bagdad Café, trente ans après sa sortie, a été numérisé et restauré en 4K, par le laboratoire Alpha Omega Digital, sous la supervision de Percy Adlon.
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1987 - 1h44 - Allemagne - Scénario : Eleonore ADLON, Percy ADLON, Christopher DOHERTY - Interprétation : Marianne SÄGEBREGHT, CCH POUNDER, Jack PALANCE, Christine KAUFMANN, Monica CALHOUN, George AGUILAR. |