Yol, la permission
Yol
de Yilmaz Güney & Serif Gören
Sélection officielle
Cannes Classics







L'enfermement

Une présentation de DFK FILMS LTD. Zürich. Restauration 2K à partir du négatif original 35mm, de l’interpositif et de la copie positive. Restauration et nouveau mixage son à partir des bandes originales numérisées. Ventes internationales : The Match Factory.

Cinq prisonniers turcs bénéficiant d'une permission rejoignent leurs familles. Dans un pays répressif soumis aux coutumes archaïques, cette liberté éphémère n'engendrera que le drame… Yilmaz Güney a toujours eu pour dessein de faire un cinéma politique, tout en tenant compte de l’aspect « spectacle » du 7e art, mais aussi d’une exigence de création artistique. Dans les années 70, il devint la bête noire de la dictature militaire et fut arrêté à plusieurs reprises. C’est de prison qu’il écrivit le scénario de Yol et en téléguida la réalisation, donnant à son assistant Serif Gören des indications pour le tournage et la mise en scène. Évadé en Suisse, Yilmaz Güney put en assurer le montage. Les cinq permissionnaires décrits dans le film pourraient être des camarades de cellule du cinéaste, et leurs déboires illustrent la difficulté d’être libre de ses actes dans un pays soumis à un contrôle social et politique aliénant. Le système d’incarcération partielle et de prisons semi-ouvertes, loin d’être un compromis pour une indulgence judiciaire, n’en met que davantage en lumière les difficultés de réinsertion et la souffrance des prisonniers face à une société hostile. Yusuf a oublié ses papiers et est interpellé par la police qui le cantonne en garde à vue. Mevlüt retrouve sa fiancée et lui parle d’avenir, mais deux sinistres chaperons les surveillent à longueur de journée. Mehmet veut arracher sa femme et ses deux enfants à sa belle-famille, qui lui reproche la mort de son beau-frère dans un hold-up.

Omer retrouve son village kurde, soumis à l’arbitraire et la répression. Quant à Seyit, il rend visite à son épouse reconnue coupable d’adultère, et qui vit recluse dans un village isolé de montagne. Yilmaz Güney est très critique vis-à-vis de la société turque et dénonce avec force le pouvoir patriarcal, le statut inférieur dans lequel sont assignées les femmes, l’intolérance face à aux minorités, et l’État de police imposé par des militaires pour qui les notions de droits de l’homme et de libertés publiques sont des concepts inconnus. Le montage alterne avec brio le parcours des cinq hommes, les permissions de Mehmet et Seyit étant toutefois davantage valorisées dans le récit. Poème politique d’une grande inventivité visuelle, Yol frappe par la rigueur de sa construction, que le cinéaste montre le cadre urbain dans un style néoréaliste, ou l’aspect angoissant des montagnes enneigées, où même la nature se révèle hostile à l’avancée des hommes. Deux séquences se distinguent en particulier. Dans la première, un couple marié fait l’amour dans les toilettes d’un train, avant d’être pris à partie par les autres voyageurs avec une colère démesurée. Dans la seconde, une femme épuisée et humiliée peine à suivre les pas de son mari et de son fils, avant de connaître la délivrance dans une mort qui semblait pour elle la meilleure issue. Incisif et militant, sans chercher l’efficacité à tout prix, Yol est, avec Le Troupeau (1978), le meilleur film de son auteur. Le jury de Giorgio Strehler lui décerna la Palme d’or, ex-æquo avec Missing de Costa-Gavras. Yilmaz Güney réalisa ensuite Le Mur, sur les prisons d’enfants en Turquie, avant de mourir à Paris en 1984.

Gérard Crespo



 

 


1982 - 1h53 - Suisse, Turquie - Scénario : Yilmaz GÜNEY - Interprétation : Tarik AKAN, Serif SEZER, Halil ERGÜN, Hikmet CELIK, Meral ORHONSAY.

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