Une prière avant l'aube
A Prayer Before Dawn
de Jean-Stéphane Sauvaire
Sélection officielle
Hors compétition

Séance de minuit








Chiang Mai Express

Jean-Stéphane Sauvaire était l’auteur de Johnny Mad Dog : ce premier long métrage sur le sort des enfants soldats en Afrique se caractérisait par une démarche sincère mais n’évitait pas l’écueil des films dénonçant la violence tout en se complaisant dans son filmage racoleur et malsain. On aurait pu penser que le cinéaste français exploiterait le même filon d’un cinéma humanitaire à sensation en passant du continent africain à l’Asie, avec pour matériau l’autobiographie de Billy Moore. Ce dernier est un ancien boxeur britannique ayant purgé une peine de prison à Chiang Mai, dans le nord de la Thaïlande, pour détention de drogues et d’armes à feu. Et il est vrai que le début du film laisse présager le pire, quand Jean-Stéphane Sauvaire utilise dans un montage choc tous les clichés inhérents au film de prison : bastons, viols, rackets, compromission des matons, etc. Pourtant, Une prière avant l’aube dépasse très vite ces conventions et échappe au simple statut de film documentaire pour première partie de soirée Amnesty International autour des conditions pénitentiaires en Thaïlande. Et le réalisateur ne nous refait pas le coup de Midnight Express, redoutable pensum d’Alan Parker, d’une xénophobie antiturque, qui mêlait sans gêne les esthétiques du tâcheron Andrew McLaglen et du photographe David Hamilton… Une prière avant l’aube est le beau portrait d’un être en immersion forcée dans un univers dont il ne détecte pas les codes, et ce à un double niveau : Billy n’avait jamais mis les pieds dans une cellule de prison mais de plus les particularismes de la culture thaïlandaise lui échappent, et pas seulement sur le plan linguistique.

Le grand mérite du scénario est d’avoir paré le personnage de zones d’ombre, lui-même n’étant pas un saint et témoignant d’une violence extériorisée (en ce sens, le film s’éloigne encore plus de Midnight Express dont le protagoniste était présenté comme un martyre ultrasensible). Même la tentative de réinsertion de Billy (en participant à des tournois de Muay Thai organisés par la prison) révèle un être calculateur qui ne fera aucun cadeau à ses pairs. Mais c’est également par sa mise en scène à la fois sobre et chorégraphiée, dynamique et épurée que le métrage exerce un pouvoir de fascination. Des combats de boxe filmés en plans-séquences au sound design combiné à une matière sonore brute et réaliste, l’œuvre n’est que contrastes. Il en est de même avec le casting : Joe Cole (Green Room) incarne Billy avec magnétisme, et le seul autre acteur professionnel est Vithaya Pansringarm (Only God Forgives) dans le rôle du directeur de la prison. Les autres personnages sont campés par d’anciens détenus, leur intégration dans le casting s’imposant avec cohérence. Ce sens maîtrisé des contrastes fait d’Une prière avant l’aube un bel objet de cinéma, entre le travail expérimental d’une Claire Denis dans Beau travail et l’approche efficace d’une série B d’action. L’œuvre est par ailleurs novatrice dans le sens où elle fusionne avec intelligence film de boxe et film de prison, deux genres jusqu’à présent dissociés.

Gérard Crespo


2h - France - Scénario : Jonathan HIRSCHBEIN, Nick SALTRESE, d'après les mémoires de Billy Moore - Interprétation : Joe COLE, Vithaya PANSRINGARM, Panya YIMMUNPHAI, Nicolas SHAKE.

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