La Fiancée du désert |
« C’est seulement en traversant le désert qu’on se découvre soi-même » Teresa, cinquante-quatre ans, a toujours travaillé au service de la même famille jusqu’au jour où elle est contrainte d’accepter une place loin de Buenos Aires. Elle entame alors un voyage à travers l’immensité du désert argentin, et ce qui semblait être le bout du chemin va s’avérer le début d’une nouvelle vie… Un titre très westernien, qui convoque les ombres de John Ford et Raoul Walsh… Mais La Fiancée du désert est avant tout dans la continuité d’un certain cinéma d’auteur argentin, dépouillé et sans effets, qui a confirmé depuis plusieurs années les talents d’artistes tels Carlos Sorín (Bombon el perro) ou Pablo Trapero (Leonera). D’ailleurs, Valeria Pivato, l’une des deux co-réalisatrices, avait été assistante sur ce dernier film. Elle s’est associée pour le présent long métrage à Cecilia Atán, qui avait quant à elle signé des courts-métrages et une série documentaire inscrits dans la même veine naturaliste et minimaliste. La Fiancée du désert est un beau portrait de femme vieillissante. Teresa s’en va. Elle a passé un pan entier de son existence à servir une famille bourgeoise de la capitale, lorsque ses employeurs lui donnent congé, rompant un lien de subordination qui était également pour elle une relation affective. Teresa s’est particulièrement occupée du fils des patrons, dont le passage à l’âge adulte a forcément rendu la présence de la domestique moins nécessaire… Plus sereine que le personnage de Gaby Morlay dans Le Voile bleu, Teresa ne se la joue pas Mater Dolorosa et intériorise sa douleur : la narration n’évoque d’ailleurs sa frustration qu’à travers de rares flash-back mettant en avant sa vie ancienne, et suggérant que le voyage qui l’attend est une authentique reconstruction intérieure. |
Une tempête dans un petit village où s’attarde Teresa en attendant son autocar donne au film une ambiance semi-fantastique et mystique, d’autant plus qu’elle croise sur sa route des forains vendant des reliques religieuses : on songe un temps aux univers allégorique et onirique d’Alejandro Jodorowsky ou Carlos Reygadas. Mais le récit reprend vite son ton réaliste après les retrouvailles de Teresa avec El Gringo, un marchand ambulant qui lui propose de l’aider à retrouver son sac à main. Le road movie qui s’ensuit devient alors une agréable étude de caractère, qui ne tombe ni dans le sentimentalisme, ni dans la pose auteuriste. Et le désert de San Juan, décor hostile dans lequel se cherchent des êtres paumés, insuffle à la narration une atmosphère lourde et oppressante, qui exerce un charme réel, sans pour autant susciter une adhésion complète. « À une époque où l’on cherche à nous convaincre que tout ce qui n’a pas été tenté dans notre jeunesse ne pourra jamais l’être plus tard, nous avons souhaité réaffirmer l’importance de la quête, du temps qui passe – du travail nécessaire à notre épanouissement afin de trouver la place qui est la nôtre », ont déclaré les réalisatrices. Malgré un dispositif un brin décousu, leur trip est recommandable, et s’avère bien servi par l’interprétation radieuse de Paulina García. L’actrice que l’on avait admirée dans Gloria de Sebastián Lelio est ici en totale osmose avec son personnage.
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1h25 - Argentine, Chili - Scénario : Cecilia ATAN, Valeria PIVATO - Interprétation : Paulina GARCIA, Claudio RISSI. |