Avant que nous disparaissions |
Les envahisseurs Alors que Narumi et son mari Shinji traversent une mauvaise passe, Shinji disparaît soudainement et revient quelques jours plus tard, complètement transformé. Il semble être devenu un homme différent, tendre et attentionné. Au même moment, une famille est brutalement assassinée et de curieux phénomènes se produisent en ville. Le journaliste Sakurai va mener l’enquête sur cette mystérieuse affaire... De Kaïro à Vers l'autre rive, le cinéma de Kiyoshi Kurosawa a souvent emprunté les sentiers du fantastique, en optant pour ses différentes palettes, de la féerie magique à la fable de science-fiction, comme cela est le cas ici. Il est à noter que l’œuvre a été réalisée dans une période particulièrement prolifique de l’artiste, sa présentation à Cannes se situant entre les sorties de son film de fantômes Le Secret de la chambre noire, tourné en France, et du thriller sombre Creepy. À l’origine, Avant que nous disparaissions était une pièce de théâtre du dramaturge Tomohiro Maekawa, succès de la scène japonaise. Le cinéaste en a évacué la dimension parodique, la pièce rendant un hommage décalé à des fleurons de la SF des années 50, tels Le Jour où la terre s'arrêta de Robert Wise ou L'Invasion des profanateurs de sépultures de Don Siegel. On ne trouvera donc dans Avant que nous disparaissions ni un humour de second degré, ni une référence à la paranoïa anticommuniste, ni même une réelle parabole politique. L’intérêt du récit est de ne pas chercher d’explication à l’intrusion de ces « envahisseurs », n’en rendant que plus trouble le malaise ressenti par les personnages et le spectateur. |
Leur nocivité est d’autant plus manifeste qu’ils ont la capacité de déposséder certaines personnes de leurs valeurs les plus profondes, familiales, amoureuses ou professionnelles : un simple doigt pointé sur le front et qui se mettra en face d’eux deviendra un ersatz de lui-même : doit-on y voir une satire de nos sociétés aptes à décerveler ses membres, de l’intégrisme religieux aux sirènes extrémistes, en passant par les ravages de la téléréalité ? En outre, l’alien devant choisir un « guide » parmi l’espèce humaine, une réflexion intéressante est posée sur le dilemme des compromissions : Kase Narumi, consciente du danger représenté par son mari, devient dès lors autant responsable que le journaliste Sakurai, plus ou moins complice des crimes dont il souhaitait au départ percer le mystère. Bien rythmé et plastiquement séduisant, sans être clinquant, le film confirme l’aptitude du cinéaste à créer une atmosphère mêlant onirisme et réalisme, dans le cadre d’un récit prenant. On regrettera toutefois une exposition un brin longuette, ainsi que des scènes de combat qui ne semblent pas avoir particulièrement inspiré le réalisateur. Le dernier tiers du film est par contre de haute tenue, la carte du mélodrame étant davantage maîtrisée par le cinéaste. Après plusieurs pépites dont le dyptique Shokuzai - celles qui voulaient se souvenir et Shokuzai - celles qui voulaient oublier, on attend beaucoup de Kiyoshi Kurosawa. Sans un être un sommet de sa filmographie, Avant que nous disparaissions est une œuvre à voir, cohérente avec son univers. Gérard Crespo
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2h09 - Japon - Scénario : Kiyoshi KUROSAWA, Sachiko TANAKA, d'après la pièce de Tomohiro Maekawa - Interprétation : Masami NAGASAWA, Ryuhei MATSUDA, Hiroki HASEGAWA, Mahiro TAGASUGI. |