L'Atalante
de Jean Vigo
Sélection officielle
Cannes Classics






Poème maudit

Une présentation de Gaumont, la Cinémathèque française et The Film Foundation. Première restauration numérique en 4k. Redécouverte grâce à Gaumont, Luce Vigo et l’historien Bernard Eisenschitz de la version la plus proche du travail du réalisateur, avec un retour à la pellicule 35mm. La restauration a été effectuée au laboratoire L’Image Retrouvée à Bologne et à Paris.

Juliette, une fille de paysans de l’Oise, jamais sortie de son village, épouse Jean, jeune marinier patron de l’Atalante. L’équipage se compose d’un mousse et d’un second, le père Jules, étonnant vieux loup de mer ; tous deux cohabitent dans une cabine pleine de « bazar », d’objets hétéroclites, de souvenirs et de chats. Passé l’enthousiasme des débuts, la jeune femme s’ennuie à bord : elle est curieuse des plaisirs qui lui sont inconnus. Jean, jaloux, intervient chaque fois qu’il la sent attirée par un ailleurs. Ainsi, quand elle écoute, fascinée, la radio de Paris ; quand, intriguée par le père Jules, elle s’aventure dans sa cabine enchantée ; ou encore quand elle succombe au charme d’un camelot chantant dans une guinguette... Sorti en salles en 1934, L’Atalante est l’archétype du film maudit. Son auteur, Jean Vigo, mourant de tuberculose, avait confié le montage final à Louis Chavance, collaborateur sur le tournage. Inquiets du résultat et des premières réactions du public, les producteurs ont mutilé l’œuvre, effectuant des coupes dans les passages les plus poétiques, et remplaçant la musique de Maurice Jaubert par un air à la mode, Le Chaland qui passe, qui donna aussi son titre au film... Ce massacre, qui n’a d’égal que celui de Lola Montès dans l’histoire du cinéma français, n’empêcha pas le film d’être un insuccès total.

Il faudra attendre plusieurs restaurations dont la plus importante a été réalisée par la Cinémathèque française et Gaumont en 1990 pour apprécier la force de L’Atalante. Poème d’amour, nimbé d’échappées oniriques et surréalistes et de digressions comiques, L’Atalante retrouve le ton libre de Zéro de conduite, le premier long métrage de Vigo. Le scénario en lui-même est minimaliste et réduit au récit d’une romance ordinaire, dont est témoin un vieil excentrique. Sans doute les producteurs misaient-ils sur le romantisme du couple Dita Parlo/Jean Dasté et le prodigieux métier d’acteur de Michel Simon, monstre sacré du parlant depuis La Chienne et Boudu sauvé des eaux. Si les interprètes effectuent une composition légendaire, l’essentiel est ailleurs, à commencer par ces prises de vue inédites montrant l’avancée de la péniche et ses environs. Bien épaulé par le chef opérateur Boris Kaufman, Jean Vigo filme avec bonheur un vieux port désaffecté près d’un réseau ferré ou reconstitue une guinguette populaire qui semble sortir d’une toile de maître. Il y a dans L’Atalante une imagination foisonnante, qui culmine avec le rêve de Jean imaginant sa jeune épouse nager dans les profondeurs de la mer, en robe de mariée. Mais on pourrait citer de nombreux passages cultes de cette merveille visuelle et sonore, des boniments du camelot incarné par un acteur qui semble improviser (Gilles Margaritis), aux exhibitions du père Jules, dont le burlesque cinématographique est digne des frères Marx. Surnommé le « Rimbaud du cinéma » par Henri Langlois, Jean Vigo nous laisse avec L’Atalante l’une de ces œuvres uniques et magiques qui ont fait la réputation du 7e art.

Gérard Crespo



 

 


1934 - 1h28 - France - Scénario : Jean VIGO, Jean GUINÉE, Albert RIÉRA - Interprétation : Michel SIMON, Dita PARLO, Jean DASTÉ, Gilles MARGARITIS.

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