Nos Années folles |
La confusion des sentiments André Téchiné s’est inspiré de faits réels pour raconter ce parcours singulier, comme il l’avait entrepris avec La Fille du RER. Même si la trame évoque le François Ozon d’Une nouvelle amie, Téchiné opte pour un ton plus sombre et sobre. Le cinéaste avait en fait déjà abordé les questions de l’identité et de l’orientation sexuelles dans plusieurs de ses films dont Les Roseaux sauvages, Les Témoins et Quand j’avais 17 ans. Mais rarement il n’avait été aussi loin dans la description de la valse des sentiments et des questions liées aux identités de genre. Nos Années folles est d’abord une reconstitution soignée de la fin de la Première Guerre mondiale et du début des années 1920 qui n’est pas sans rappeler le classicisme d’un Bertrand Tavernier dans La Vie et rien d’autre. Mais le poids des costumes ou le souci d’authenticité historique n’écrasent jamais le film qui n’abuse pas non plus des séquences « obligées » (le cynisme des gradés, la camaraderie des tranchées, les bals libertins de l’après-guerre). L’essentiel est ailleurs : dans l’amour sans réserve de Louise envers Pierre, qui aura dans un premier temps du mal à endosser l’apparence physique de Suzanne ;
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dans la relation trouble entre la jeune femme et sa « nouvelle amie », qui fait jaser les riverains ; dans le revirement de Pierre qui finit par s’habituer pleinement à son nouveau rôle, au point d’avoir du mal à s’en débarrasser une fois l’amnistie accordée. Car « Suzanne » revient hanter ses rêves. Un bâton de rouge à lèvres, une perruque bouclée, une robe à dentelles et un foulard destiné à cacher une pomme d’Adam ressortiront vite du placard. Pierre est alors confronté à un dilemme : retrouver la normalité, tout en gardant son statut d’ex-déserteur, ou assumer définitivement son identité de substitution, quitte à mettre en péril son couple. Cette hésitation entre la sécurité et la liberté était déjà au cœur des tourments des personnages de Catherine Deneuve dans Le Lieu du crime ou, à un moindre degré, de Manuel Blanc dans J’embrasse pas. Oscillant entre linéarité limpide et chronologie bousculée, ellipses et dialogues explicatifs, le film trouve vite ses marques dans un montage maîtrisé, qui évoque par moments la démarche de Max Ophuls, ne serait-ce que par les flash-back qui suivent des séquences où Jacques est exhibé dans un cirque : le Monsieur Loyal à la fois jovial et inquiétant est un clin d’œil explicite au Peter Ustinov de Lola Montès. On trouvera dans le film d’autres références furtives à Renoir ou Becker. Comme toujours chez le réalisateur, la direction des acteurs est un atout majeur. Pierre Deladonchamps dévoile à nouveau la finesse de son jeu, après L’Inconnu du lac et Le Fils de Jean. Céline Sallette confirme le beau parcours qu’elle mène depuis L’Apollonide - souvenirs de la maison close. Les seconds rôles sont moins présents que dans les films antérieurs du cinéaste mais Grégoire Leprince-Ringuet, Michel Fau et Virginie Pradal entourent avec professionnalisme les deux têtes d’affiche. Gérard Crespo
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1h43 - France - Scénario : André TÉCHINÉ, Cédric ANGER, d'après les romans de Fabrice VIRGILI - Interprétation : Céline SALLETTE, Pierre DELADONCHAMPS, Grégoire LEPRINCE-RINGUET, Michel FAU, Virginie PRADAL. |