Pas de gousses d’ail, ni de cercueil…
Queens, New York. Milo a 14 ans. Cet orphelin a pour seul refuge l’appartement qu’il partage avec son grand frère. Solitaire, il passe son temps à regarder des films de vampires. L’arrivée d’une nouvelle voisine fera naître en lui des sentiments inédits…
Sur un sujet pourtant largement éculé, les vampires, le cinéaste Michael O’Shea, dont c’est le premier long métrage, propose une variation particulièrement intéressante, un mélange inspiré entre le film de vampires contemporain et le teen movie urbain ancré dans la réalité d’un ghetto américain. Ce qui immédiatement permet de mettre de côté l’aspect surnaturel, absent du long métrage, tout comme le Grand-Guignol pourtant attendu lors de la lecture du synopsis (pas de gousses d’ail, ni de cercueil, pas même de problème lié à la lumière du jour). Le réalisateur préfère insister sur ce portrait d’une Amérique larguée, toujours en proie à ses vieux démons, à travers l’histoire d’un ado qui a perdu ses parents et vit avec son frère.
Cette chronique mélancolique et sanglante s’attache à suivre au plus près Milo, un adolescent noir, ressemblant à n’importe quel jeune de son âge mais différent des autres, isolé, fasciné par les films de vampires (Nosferatu de Murnau et non Twilight qu’il juge ridicule), et qui « chasse » la nuit ses proies afin de se nourrir de leur sang. |
La performance du jeune comédien Eric Ruffin est ici à signaler : il exprime cette mélancolie, cette tristesse, ce désenchantement qui inonde le film et qui contraste avec les attaques d’une rare violence qu’il commet la nuit et qui sont plus une nécessité (témoins d’une dérive psychologique) qu’un réel plaisir. Lorsque la voisine, elle aussi en rupture familiale, fait sa connaissance, elle ne peut que tomber sous le charme et être conquise par ce personnage très mystérieux. Cette romance entre deux âmes perdues est d’autant plus émouvante et attachante qu’elle ne peut fonctionner dans la durée, Milo sait ce qu’il pourrait lui faire.
Ce qui impressionne dans ce premier film, qui ne se moque jamais du genre, c’est la maîtrise de la mise en scène et de ses effets, notamment l’utilisation des sons, de la musique. Mais aussi la façon de filmer la ville américaine. La construction du personnage principal, refusant tout artifice, tout humour, est aussi pour beaucoup dans la réussite de cette œuvre ancrée dans le réel et le quotidien : Milo fait peur, se fait peur, et sait qu’une quelconque évolution positive est impossible mais le spectateur ne peut s’empêcher de ressentir de l’empathie pour lui, constatant qu’il est comme prisonnier. Un film très attachant et vraiment singulier !
Xavier Affre
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