Money Monster
de Jodie Foster
Sélection officielle
Hors compétition








Qui veut gagner des millions ?

Lee Gates (George Clooney) est une personnalité influente de la télévision et un gourou de la finance à Wall Street. Les choses se gâtent lorsque Kyle (Jack O'Connell), un spectateur ayant perdu tout son argent en suivant les conseils de Gates, décide de le prendre en otage pendant son émission, devant des millions de téléspectateurs… Il s'agit du quatrième long métrage en tant que réalisatrice de Jodie Foster, qui avait déjà présenté hors compétition Le Complexe du castor en 2011. La cinéaste adopte ici les codes du suspense policier, tout en respectant globalement les unités de temps (moins de vingt-quatre heures), de lieu (un plateau télé, mais quelques scènes en extérieur) et d'action, encore que la prise d'otage est le McGuffin qui cache une vaste affaire de corruption financière et politique. « Ce qui m’a plu dans Money Monster, c’est que ce film conjugue deux éléments souvent considérés comme contradictoires. Il s’agit d’une part d’un thriller grand public captivant, intelligent et rythmé qui reste cependant accessible, et de l’autre d’une histoire vraiment poignante – ce qui est à mon sens l’une des raisons les plus importantes d’aller au cinéma. Money Monster aborde un sujet profondément d’actualité. » Cette déclaration de Jodie Foster révèle la totale confiance qu'elle a manifestée à l'égard des trois scénaristes auxquels elle a laissé le soin de peaufiner ce récit. De Richard Brooks à Paul Greengrass en passant par Alan J. Pakula, nombreux sont les cinéastes qui avaient déjà abordé la double démarche de divertissement populaire et de critique sociale, mais avec une toute autre envergure. Le film de Jodie Foster ne démérite certes pas. Acerbe sur le monde de la finance, sans la roublardise du surestimé The Big Short: Le Casse du siècle (Adam McKay, 2015), il est également habile dans le déroulement de sa mécanique policière, qui a son lot efficace de retournements de situation et propose un rythme sans failles.

Ce travail de pro est servi par une technique qui révèle un brio indiscutable, en particulier pour la très longue séquence du show télévisé qui tourne mal. L'émission « Money Monster » étant filmée par plusieurs caméras de télévision auxquelles se sont ajoutées les propres caméras de l'équipe du film, une planification minutieuse a dû être établie, ce qui donne au montage de Money Monster un punch saisissant. Et pourtant, le scénario comme la mise en scène nous laissent sur notre faim. Le premier quart d'heure semblera criard, la cinéaste amplifiant la vulgarité de l'émission, et le surjeu de George Clooney n'arrange rien. Lorsque le récit dévie sur les agissements de Walt Camby (Dominic West), le P.-D.G. d'Ibis Clear Capital, le film se veut une dénonciation du système mais se focalise en fait sur un comportement individuel, éteignant très vite sa charge corrosive. Mais c'est surtout dans l'improbable rédemption de Lee Gates et son acharnement à découvrir la vérité que le film atteint ses limites, faisant du petit soldat de la spéculation boursière, vedette d'une émission à la gloire du capitalisme, le chantre des valeurs américaines d'intégrité et justice. Au passif du film, il faut aussi ajouter des personnages secondaires bâclés (la compagne de Kyle), une psychologie à la truelle et surtout le sentiment d'assister à la projection d'un produit malin qui se veut citoyen mais se complaît surtout dans l'esbroufe. Saluons toutefois l'interprétation très classe de Julia Roberts en productrice avisée. Au final, Money Monster est une œuvre inégale qui dénote un réel savoir-faire mais est loin d'être le brûlot que son scénario pouvait laisser présager.

Gérard Crespo



1h40 - États-Unis - Scénario : Alan DiFIORE, Jim KOUF, Jamie LINDEN - Interprétation : George CLOONEY, Julia ROBERTS, Jack O'CONNELL, Caitriona BALFE, Dominic WEST, Lenny VENITO, Giancarlo ESPOSITO, Emily MEADE.

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