Fais de beaux rêves |
Le sourire de sa mère Turin, 1969. Massimo, un jeune garçon de neuf ans, perd sa mère dans des circonstances mystérieuses. Quelques jours après, son père le conduit auprès d’un prêtre qui lui explique qu’elle est désormais au paradis. Massimo refuse d’accepter cette disparition brutale. Année 1990. Massimo est devenu un journaliste accompli, mais son passé le hante. Alors qu’il doit vendre l’appartement de ses parents, les blessures de son enfance tournent à l’obsession… Depuis son premier long métrage Les Poings dans les poches, Marco Bellocchio n’a cessé d’explorer les méandres de familles décomposées. Son dernier opus, adapté d’un roman autobiographique de Massimo Gramellini, grand succès de librairie en Italie, n’échappe pas à la règle et confirme la vitalité créative d’un cinéaste que la vieillesse semble fortifier. Bellocchio conte avec finesse la souffrance affective d’un homme hanté par une douleur « originelle » et qui subira les effets dévastateurs d’un secret de famille dévoilé au dénouement. Bien épaulé par sa monteuse Francesca Calvelli, le réalisateur construit le film sur trois niveaux narratifs temporels. La linéarité de la chronologie (le drame initial de Massimo, le bref récit de son adolescence, puis son existence de quadragénaire) est nuancée par de brefs retours en arrière introspectifs, ce qui situe Fais de beaux rêves à mi-chemin du classicisme romanesque et d’une structure plus éclatée.
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Si le film fait songer dans sa première partie au cinéma de l’enfance de Comencini (L’Incompris), il emprunte dans la seconde heure une dimension politique inattendue, Massimo étant amené à exercer sa profession de journaliste dans un Sarajevo meurtri par la guerre des Balkans. La tragédie collective rejoint ici le drame individuel mais le cinéaste ne perd pas pour autant le fil conducteur de son récit de surcroît enrichi par des références savoureuses au fantastique. Des séquences de Belphégor, série télévisée culte de Claude Barma, ou de La Féline de Jacques Tourneur, viennent ainsi faire écho aux démons intérieurs du personnage principal. Si l’idylle entre Massimo et une jeune médecin (Bérénice Bejo) entraîne une légère chute de rythme dans l’histoire, l’œuvre dans son ensemble regorge de passages bouleversants (sans sentimentalisme) qui placent Fais de beaux rêves au niveau du meilleur Bellocchio, celui du Sourire de ma mère. Il faut aussi souligner l’interprétation sensible de Valerio Mastandrea dans le rôle de Massimo adulte. L’acteur, déjà vu chez Marco Tullio Giordana et Abel Ferrara, dévoile une intensité de jeu semblable à celle dégagée naguère par Mastroianni. Gérard Crespo
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2h11 - Italie - Scénario : Marco BELLOCCHIO, Valia SANTELLA, Edoardo ALBINATI, d'après le roman de Massimo Gramellini - Interprétation : Valerio MASTRANDEA, Bérénice BEJO, Fabrizio GIFUNI, Barbara RONCHI, Guido CAPRINO, Emmanuelle DEVOS. |