Blood Father |
Retour aux sources John Link n’a rien d’un tendre : ex-motard, ex-alcoolique, ex-taulard, il a pourtant laissé tomber ses mauvaises habitudes et vit reclus dans sa caravane, loin de toute tentation. C’est l’appel inattendu de sa fille Lydia, dix-sept ans, qui va lui faire revoir ses plans de se tenir tranquille : celle-ci débarque chez lui après des années d’absence, poursuivie par des narcotrafiquants suite à un braquage qui a mal tourné. Lorsque les membres du cartel viennent frapper à la porte de John, ils sont loin de se douter à qui ils ont affaire… De Jean-François Richet, auteur de l'excellent Mesrine (César 2009 du meilleur réalisateur), on pouvait attendre mieux que cette série B certes efficace, mais se distinguant à peine de la moyenne des polars. Pourtant, Blood Father mérite un détour et a le charme des ouvrages mineurs imparfaits mais attachants, qui ont fait les belles soirées des cinémas de quartier et autres dernières séances. Le film est techniquement irréprochable et plusieurs passages (le traquenard dans un motel miteux, la chasse à l'homme dans le désert, le combat final), au-delà des références manifestes (Peckinpah, le premier Mad Max), confirment un réel savoir-faire dans le rythme et le montage. Blood Father capte aussi l'attention par le retour de Mel Gibson dans le film d'action, l'acteur depuis quelques années ayant surtout été dirigé dans œuvres intimistes (Le Complexe du castor). Non seulement il reste crédible dans les scènes de poursuite et de castagne, mais son jeu de comédien se bonifie avec les ravages du temps, dans un rôle qui n'est pas sans rappeler la prestation d'Eastwood vieillissant dans Gran Torino. À ses côtés, la jeune Erin Moriarty est une révélation et on peut lui prédire la carrière d'une Julianne Moore ou, à défaut, d'une Jennifer Jason Leigh. Les rapports entre le père et la fille sont pourtant un peu convenus et l'évolution de leurs relations n'est guère surprenante, loin de l'émotion poignante qui liait les protagonistes de Toni Erdmann, film situé certes dans un tout autre registre. |
C'est d'ailleurs l'ensemble du scénario et des personnages qui peine à échapper aux conventions, de l'ex-taulard à qui on ne la fait pas et qui retrouve le souffle de sa jeunesse au bad guy (Diego Luna) qui ressuscite inopinément, en passant par le vieil ami fidèle (William H. Macy) prêt à tous les sacrifices. Il manque à Blood Father un authentique style qui transcenderait ce matériau, Richet n'ayant pas l'envergure de Quentin Tarantino ou Robert Rodriguez, ni même du Don Siegel de L'Inspecteur Harry, auquel l'aspect réac de l'intrigue fait songer. En fait, le réalisateur, tout comme le Britannique David Mackenzie avec Comancheria, semble en porte-à-faux avec ce cinéma américain de studio dans lequel il peine à imposer sa griffe, même s'il précise que Blood Father est dans la continuité de sa démarche : « Il est toujours délicat d’analyser ses choix au moment où nous sommes en train de les faire. Cela vient par la suite, je trouve des analogies avec mes travaux précédents, par la force des choses des liens se créent. J’aime à croire que je choisis une histoire plutôt qu’une autre en fonction de l’histoire propre, de sa dramaturgie, de son axe, plutôt qu’en fonction d’un schéma dont j’essayerais d’intellectualiser le processus. J’ai conscience que mes personnages sont de ceux qui se révèlent dans la lutte, de ceux qui disent ''non'', et que leur combat en définitive ne les rendra pas plus heureux ». Une chose est sûre : Jean-François Richet reste un professionnel consciencieux et un directeur d'acteurs talentueux : outre ses deux têtes d'affiche, il utilise avec jubilation les trognes de seconds couteaux de Michael Parks, Miguel Sandoval ou Richard Cabral, qui pourront hanter les cauchemars de certains spectateurs... Gérard Crespo
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1h28 - États-Unis - Scénario : Peter CRAIG, Andrea BERLOFF, d'après le roman de Peter Craig - Interprétation : Mel GIBSON, Erin MORIARTY, Diego LUNA, William H. MACY, Thomas MANN, Michael PARKS, Dale DICKEY, Miguel SANDOVAL, Richard CABRAL, Daniel MONCADA, Ryan DORSEY. |