Vice-versa |
Quand les émotions s'en mêlent... Au Quartier Général, le centre de contrôle situé dans la tête de la petite Riley, onze ans, cinq Émotions sont au travail. À leur tête, Joie, débordante d’optimisme et de bonne humeur, veille à ce que Riley soit heureuse. Peur se charge de la sécurité, Colère s’assure que la justice règne, et Dégoût empêche Riley de se faire empoisonner la vie, au sens propre comme au figuré. Quant à Tristesse, elle n’est pas très sûre de son rôle. Les autres non plus, d’ailleurs… Lorsque la famille de Riley emménage dans une grande ville, avec tout ce que cela peut avoir d’effrayant, les Émotions ont fort à faire pour guider la jeune fille durant cette difficile transition. Mais quand Joie et Tristesse se perdent accidentellement dans les recoins les plus éloignés de l’esprit de Riley, emportant avec elles certains souvenirs essentiels, Peur, Colère et Dégoût sont bien obligés de prendre le relais. Joie et Tristesse vont devoir s’aventurer dans des endroits très inhabituels comme la Mémoire à long terme, le Pays de l’Imagination, la Pensée Abstraite, ou la Production des Rêves, pour tenter de retrouver le chemin du Quartier Général afin que Riley puisse passer ce cap et avancer dans la vie… Coproduit par John Lasseter (Toy Story), c'est sans doute l'un des meilleurs Pixar, et peut-être le chef-d'œuvre de Pete Docter, auteur du délicieux Là-haut. Le récit est ambitieux. S'il surfe avec habileté sur la mode des blockbusters explorant les méandres de l'inconscient (Inception), le scénario en évite le pompiérisme et assume son statut de conte pour enfants. Certes, les clins d'œil adressés aux adultes sont multiples, du passage sur l'art conceptuel aux allusions à la fonction parentale. Et l'âge du jeune public ciblé est très vaste, l'intrigue se référant à la petite enfance aussi bien qu'à la période de l'approche de la puberté. |
Mais c'est tout au mérite des auteurs d'avoir su intégrer les conventions du film d'animation familial à une réflexion subtile sur l'affect. Et quand Colère et Dégoût paniquent à l'idée d'appuyer sur un des boutons des émotions, pour sauver la petite Riley, on se dit que Pete Docter est un artisan héritier d'Alain Resnais, celui qui s'amusait, sur des bases scientifiques, à anticiper les réactions de ses personnages dans Mon oncle d'Amérique. Il n'est d'ailleurs pas surprenant d'apprendre que les scénaristes ont collaboré avec une équipe de neurologues et psychologues, dont Dacher Kelter, qui est un peu aux auteurs ce qu'Henri Laborit avait été pour Resnais. « L'adolescence, c’est un sacré truc ! La bulle d’innocence de l’enfance explose et vous êtes précipités dans un monde d’adultes où l’on vous juge, où l’on attend de vous que vous vous comportiez d’une certaine façon », a déclaré Pete Docter. Loin d'enfoncer des portes ouvertes, il part de ce constat pour élaborer une narration à tiroirs d'une belle inventivité, à mille lieues de la fadeur et du manque d'inspiration de Mark Osborne dans Le Petit Prince, l'autre dessin animé présenté hors-compétition à Cannes. Mais Vice-versa est un vrai travail d'équipe, et il ne faudrait pas sous-estimer l'apport des autres artistes et techniciens, dont Ronaldo Del Carmen, coréalisateur et concepteur de l'histoire originale. Sur le plan graphique, le film est une merveille et la 3D est utilisée avec intelligence, évitant toute surcharge. On appréciera ici le savoir-faire du superviseur des effets Gary Bruins, qui avait déjà fait un travail remarquable sur de précédents Pixar, du Monde de Nemo à Cars 2. En dépit d'une Émotion joie un brin tête-à-claque et de l'inévitable sirop Disney sur le traumatisme de la décomposition de la cellule familiale, Vice-versa est donc un sans-faute qui devrait ravir tous les publics, et l'archétype du film consensuel dans le meilleur sens du terme. Gérard Crespo
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1h42 - États-Unis - Scénario : Pete DOCTER, Meg LeFAUVE, Josh COOLEY - Avec les voix de : Amy POEHLER, Bill HADER, Mindy KAILING, Phyllis SMITH, Lewis BLACK, Diane LANE, Kyle MacLACHLAN. |