La Vanité |
Le dernier souffle Réalisateur suisse auteur de fictions (Garçon stupide) et de documentaires (Bon vent Claude Goretta), Lionel Baier, par ailleurs producteur, est l'auteur d'une œuvre intimiste où l'on retrouve certaines constantes, dont le thème de l'homosexualité. La Vanité n'échappe pas à la règle et propose un récit attachant mettant en scène trois personnages de nationalités différentes réunis dans un motel situé à la périphérie d'une petite ville française. La figure centrale est David, un architecte suisse cynique et désabusé, atteint d'un mal incurable, et qui revient dans ce lieu dont il avait conçu les plans dans les années 60. Symbole d'une modernité inspirée du mode de vie américain, le motel avait naguère connu son heure de gloire, avant d'incarner le pire modèle architectural tant sur le plan esthétique qu'au niveau des normes de sécurité. Esperanza est espagnole. Elle est employée dans une association chargée d'assistance au suicide, et rejoint David afin d'appliquer le protocole d'euthanasie que l'architecte a signé. Le témoin du rituel étant défaillant, Esperanza et David font appel à Treplev, un jeune prostitué russe qui reçoit ses clients dans la chambre voisine. La première partie du film pourra décevoir par son dispositif oscillant entre le théâtre filmé et une esthétique de téléfilm soigné mais convenu. L'œuvre séduit pourtant dès ses premières séquences, par son ambiance de mystère et des références cinématographiques certes écrasantes mais forcément attractives pour le cinéphile : on pense aux similitudes avec le motel Bates de Psychose. Le film a aussi le mérite d'éviter le piège du traitement des sujets de société, du suicide médicalement assisté aux dérives immobilières. |
On sait que la Suisse a une réglementation assez souple sur l'euthanasie mais que des critiques ont pu être formulées avec la profusion d'organisations à but non lucratif proposant en fait un service commercial à prix onéreux, au sein de ce que l'on peut nommer un nouveau marché (1). Contournant avec intelligence les écueils du film psychologique à thèse, Lionel Baier préfère jouer la carte de l'ambiguïté et de l'onirisme, ces rendez-vous nocturnes étant davantage imprégnés du style décalé et second degré déployé dans Les Rencontres d'après minuit, le premier long métrage de Yann Gonzalez. Ces qualités sont encore plus manifestes dans la seconde partie du film qui, sans abuser des retournements de situation et des allégories, fait dévier l'intrigue sur d'autres pistes. Attachant portrait d'êtres en proie à une grande solitude et une misère affective, au-delà de leurs conditions sociales diverses, La Vanité finit par distiller une petite musique qui suscite une émotion discrète mais réelle. Le film doit beaucoup à ses trois interprètes. Animateur à la Radio suisse romande, Patrick Lapp est également un comédien crédible, que le cinéaste avait déjà dirigé dans Les Grandes ondes (à l'ouest). Égérie d'Almodovar, de Pepi, Luci, Bom et les autres filles du quartier à Volver, Carmen Maura est désormais un visage et une voix incontournables du cinéma français. Et Ivan Georgiev, qui apparaît ici dans son premier long métrage, est une révélation, par sa présence magnétique et son jeu puissant. (1) Les médias avaient traité longuement du cas de l'actrice française Maïa Simon (1939-2010), décédée après avoir absorbé du penthiobarbital, avec l'aide de l'Association Dignitas. Gérard Crespo
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1h15 - Suisse, France - Scénario : Julien BOISSOUX, Lionel BAIER - Interprétation : Patrick LAPP, Carmen MAURA, Ivan GEORGIEV. |