Le Troisième homme |
Qui a tué Harry ? Grand prix du Festival de Cannes en 1949 (le terme Palme d'or n'avait pas encore été inventé), Le Troisième homme est, après Huit heures de sursis, la deuxième réussite majeure de Carol Reed. Produit par Alexander Korda, grand nom du cinéma britannique, et le nabab hollywoodien David O'Selznick, père d'Autant en emporte le vent, le film fut conçu comme une œuvre de prestige, et son financement se fit dans le cadre de l'une des premières coproductions internationales. Le récit démarre de façon percutante comme un documentaire sur la situation politique à Vienne : dans ces années d'après-guerre, la ville est encore entachée par les décombres et divisée en plusieurs secteurs d'occupation alliés, les autorités américaines, britanniques, russes et françaises se partageant le contrôle policier et militaire. Le texte est lu par Graham Greene, auteur du scénario (dont il tirera un roman quelques années plus tard). Après cette introduction, la fiction fait son entrée avec une histoire tant limpide que sophistiquée, utilisant avec bonheur les attraits du film noir, le genre qui connaissait son âge d'or pendant cette décennie. Joseph Cotten incarne Holly Martins, un écrivain raté et fauché venu à Vienne sur l'invitation de son ami Harry Lime, qui lui avait fait miroiter de beaux lendemains. Mais le jour même de son arrivée, il assiste aux obsèques de son ami. Le major Calloway (Trevor Howard) lui révèle alors que Harry Lime était un escroc cynique impliqué dans un trafic de pénicilline. Sceptique et pensant que son ami est toujours en vie, Martins mène sa propre enquête, tout en s'éprenant de la belle Anna (Alida Valli). |
Outre le fait d'utiliser avec brio les conventions du film criminel, Le Troisième homme, tourné sur les lieux de son récit, offre une vision unique de Vienne : son approche néoréaliste d'une ville ravagée n'est pas sans évoquer Allemagne année zéro de Rossellini. Mais Carol Reed opte pour une stylisation au carrefour de plusieurs influences, de l'expressionnisme allemand (les ombres immenses) au formalisme russe (les gros plans). Le film est également célèbre pour ses cadrages obliques, magnifiés par la photo de Robert Krasker, et que d'aucuns ont considéré comme un maniérisme gratuit. Ils contribuent pourtant à la fascination qu'exerce toujours cette œuvre magistrale qui regorge de séquences cultes, de l'apparition tardive d'Orson Welles soudain éclairé dans l'embrasure d'une porte, au plan-séquence final bâti sur un suspense sentimental, en passant par le morceau de bravoure que constitue la poursuite dans les égouts. Le Troisième homme est aussi célèbre pour sa musique composée et jouée à la cithare par Anton Karas, et qui a contribué à son succès. Longtemps considéré comme l'un des meilleurs films de l'histoire du cinéma (ce qui était sans doute excessif), Le Troisième homme connut ensuite une disgrâce de la part de cinéphiles lui reprochant sa vanité et son formalisme, ce qui nous semble guère plus justifié, tant le film combine richesse de scénario et créativité dans sa mise en scène. Cannes Classics en a présenté une version restaurée supervisée par Studiocanal. Il s'agit d'une numérisation en 4K effectuée par Deluxe. Gérard Crespo
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1949 - 1h44 - Royaume-Uni - Scénario : Graham GREENE - Interprétation : Joseph COTTEN, Orson WELLES, Trevor HOWARD, Alida VALLI, Bernard LEE. |