Le Trésor |
Qui veut gagner des millions ? À Bucarest, Costi est un jeune père de famille accompli. Le soir, il aime lire les aventures de Robin des Bois à son fils de six ans pour l’aider à s’endormir. Un jour, son voisin lui confie qu’il est certain qu’un trésor est enterré dans le jardin de ses grands-parents ! Et si Costi accepte de louer un détecteur de métaux et de l’accompagner pendant une journée, il serait prêt à partager le butin avec lui. D’abord sceptique, et en dépit de tous les obstacles, Costi se laisse finalement entraîner dans l’aventure… Après avoir obtenu la Caméra d'or avec 12h08 à l'est de Bucarest puis le Prix du Jury Un Certain Regard pour Policier, adjectif, Corneliu Porumboiu est revenu à Cannes dans cette dernière section avec Le Trésor, qui a été honoré du Prix Un Certain Talent. Une troisième récompense amplement méritée car cette comédie satirique amère est une réussite. Elle confirme le style incisif d'un cinéaste inspiré et révèle que la Roumanie n'en a pas fini avec ses vieux démons du communisme. L'intrigue est basée sur un matériau autobiographique puisque l'acteur et réalisateur Adrian Purcarescu, ami du cinéaste, lui avait révélé que son arrière-grand-père aurait enterré sa fortune dans le jardin de la maison familiale, avant que les communistes n'arrivent au pouvoir. Corneliu Porumboiu et Adrian Pucarescu ont donc été dans la même situation que les deux personnages principaux du film. Après l'échec d'un projet de documentaire sur leur expérience, Porumboiu a décidé d'en tirer une comédie de fiction, avec Pucarescu... dans le rôle d'Adrian, le voisin qui vient bouleverser la morne existence de Costi. |
Cette mise en abyme rend Le Trésor encore plus percutant, mais il n'est pas nécessaire de connaître ce contexte pour apprécier une comédie au ton pince-sans-rire réjouissant. Le meilleur du long métrage réside dans la seconde partie : la chasse au trésor s'avère vite absurde et la caméra se concentre sur le point de vue de Costi, alter ego du réalisateur. On ne le quittera pas d'une semelle pendant ses pérégrinations. « Je voulais donner l'impression que Costi est perdu dans un jardin infini et entraîne avec lui, je l'espère, le spectateur », a ainsi déclaré Porumboiu. L'objectif est atteint, et cette identification accentue la montée du suspense mais aussi les situations burlesques, lorsque le bruit du détecteur de métaux retentit de façon récurrente ou quand la tension entre trois hommes épuisés se fait plus manifeste au fil des heures... Ce « huis clos en plein air » est aussi l'occasion pour le cinéaste de réaliser un substitut de film historique, de par les dialogues évoquant le passé de la famille d'Adrian. Car le jardin et la maison ont souvent changé de propriétaire, jardin d'enfant sous le communisme, bar à strip-tease après la révolution de 1989, avant de revenir à la famille d'Adrian. Le mérite du cinéaste est d'évoquer cette dimension sans flash-back ni recours à des images d'actualité, mais par un simple récit conté par Adrian au fur et à mesure que le trou est creusé. Il faut enfin souligner la présence magnétique de l'acteur Toma Cuzin qui s'est d'autant plus associé au dispositif qu'il joue avec son propre fils de six ans et son épouse. Ce qui donne une dimension encore plus troublante à ces correspondances entre fiction et réalité, au cœur de la démarche de Corneliu Porumboiu. Gérard Crespo
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1h30 - Roumanie, France - Scénario : Corneliu PORUMBOIU - Interprétation : Toma CUZIN, Radu BANZARU, Florin KEVORKIAN, Dan CHIRIAC, Adrian PURCARESCU. |