Notre petite sœur |
À la recherche du temps perdu Reprenant une thématique constante dans son œuvre, de Nobody Knows à Tel père, tel fils, Hirokazu Kore-eda filme à nouveau un petit microcosme familial déstabilisé. Il ne s'agit pas ici d'enfants livrés à eux-mêmes dans un appartement ou de parents réalisant que leur progéniture n'est pas la leur, mais de trois sœurs perturbées après un deuil. Sachi, Yoshino et Chika vivent ensemble à Kamakura, une petite station balnéaire. Par devoir, elles se rendent aux obsèques de leur père qui les avaient abandonnées lorsqu'elles étaient enfants. Elle font alors connaissance de leur demi-sœur, Suzy, âgée de quatorze ans. Elle décident d'un commun accord d'accueillir l'orpheline dans la grande maison familiale. Adapté de Unimachi Diary, un manga dont le premier tome fut publié en 2007, Notre petite sœur est une touchante chronique familiale, étalée sur quatre saisons, privilégiant les dialogues en demi-teinte, la sobriété des situations, et jouant la carte de la palette intimiste. Plus qu'aux Trois soeurs de Tchekhov, œuvre à laquelle le titre et le synopsis pourraient se référer, on songe à la démarche de Ozu par la simplicité de la trame, la scrutation d'infimes détails, et l'allusion aux mutations de la société japonaise. Exerçant des postes à responsabilité dans la banque ou le secteur hospitalier, nouant des rapports amoureux éphémères qui les écartent de la norme conjugale, consolidant des liens au sein d'une famille recomposée, les jeunes femmes n'en sont pas moins fidèles aux traditions ancestrales. |
En attestent les nombreuses scènes d'enterrements selon les rites bouddhistes, ou de rituels montrant les sœurs en train de prier face à un temple consacré à la mémoire des défunts. Pourtant, nul ton mélancolique dans ce récit raffiné, et encore moins l'esquisse de tensions tragiques. L'irruption inopinée de la mère, révélatrice des fêlures refoulées, fait un temps songer à Sonate d'automne de Bergman, mais la veine du psychodrame familial inspire peu Kore-eda qui préfère la retenue et les échanges suggestifs. Peut-être ce manque de tension dramatique ou d'émotion réelle a-t-il un peu déçu les fans du cinéaste, qui attendaient un lyrisme plus manifeste. Mais Notre petite sœur est remarquable de par la délicatesse et la pudeur avec laquelle le cinéaste aborde les vicissitudes affectives de cette fratrie. Et sa beauté est renforcée par le travail du chef-opérateur Mikiya Takimoto, qui a bien mis en valeur la lumière baignant la petite ville, et qui évolue au fil des événements. On appréciera aussi le travail de la compositrice Kanno Yoko, qui a choisi un thème avec un instrument par sœur. Les quatre actrices sont admirablement dirigées, et en particulier Ayase Haruka, que l'on avait pu apprécier dans Real de Kiyoshi Kurosawa. Gérard Crespo
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2h03 - Japon - Scénario : Hirokazu KORE-EDA, d'après le manga de Akimi Yoshida - Interprétation : Haruka AYASE, Masami NAGASAWA, KAHO, Susu HIROSE, Ryo KASE, Kirin KIKI, Ryohei SUZUKI. |