Marius Sortie en salle : 9 décembre 2015 |
« Tu me fends le cœur » Sur le Vieux-Port de Marseille, Marius converse avec la douce Fanny, qu'il connaît depuis l'enfance. Marius est le fils de César, un bistrotier veuf et bougon mais débordant d'humanité. Le jeune homme ne rêve que de larguer les amarres et de partir en mer sur l'un de ces navires de marine marchande qui accostent sur les quais. Fanny est la fille d’Honorine la poissonnière. Elle est amoureuse de Marius. Pour attirer son attention sur cette passion qui la dévore, elle lui laisse entendre qu’elle est prête à épouser Honoré Panisse, un riche commerçant ami de César... Le premier volet de la trilogie marseillaise est un moment fort du début du cinéma parlant, et la révélation de Raimu à l’écran. Créé en 1929 au Théâtre de Paris, Marius connut un grand succès qui incita Marcel Pagnol à le transposer au cinéma. Ce fut le début d’un terrible malentendu. Conscient que l’arrivée du cinéma parlant était une aubaine pour ses œuvres, et celles des auteurs dramatiques en général, Pagnol déclara à propos de cette évolution du 7e art : « C’est un moyen d’expression dramatique plus commode, beaucoup plus riche que le théâtre ». Se mettant à la fois à dos les gens de théâtre, qui ne virent que trahison, et les professionnels du cinéma, déstabilisés par la révolution du sonore, Pagnol fut accusé de pratiquer un « théâtre en conserve » à des fins narcissiques et commerciales, et de se complaire dans une nouvelle technique que d’aucuns considéraient comme une mode. Pourtant, quoi de plus cinématographique que Marius, mélodrame poignant et comédie de mœurs, qui annonce les futurs chefs-d’œuvre que seront Angèle ou La Femme du boulanger. Certes, si le film touche encore, plus de quatre-vingts ans après sa sortie, c’est aussi (et surtout ?) par son récit simple et humain, les numéros d’acteurs savoureux et ses dialogues subtils distillés dans de longues séquences de profusion verbale, dont la célèbre partie de cartes. Marius est ainsi le premier long métrage à faire débiter un texte aussi long à ses interprètes, mais d’autres auteurs auront une démarche similaire, de Guitry à Oliveira en passant par Mankiewicz ou Rohmer. Mais on ne saurait parler d’un simple « théâtre filmé » car il s’agit précisément d’un choix de mise en scène, d’autant plus audacieux ici que le cinéma parlant venait de naître. |
Conscient d’ailleurs de débuter dans la profession, Pagnol n’a fait que superviser le tournage et diriger les comédiens, confiant la réalisation au cinéaste britannique Alexander Korda. Loin d’être un simple « director », ce dernier a été son formateur concernant les fondements de l’art et de la technique de la réalisation. L’apport de Korda est manifeste dans les rares séquences extérieures, des prises de vue sur la ville de Marseille aux passages sur le port. La lourdeur du nouveau matériel technique limite les séquences dialoguées hors studio, mais les gros plans sur le visage en larmes d’Orane Demazis, le choix de la longueur des prises, les contrechamps sur le navire qui accoste, et que l’on observe d’une fenêtre, ou l’irruption rare mais saisissante de la partition musicale attestent d’une véritable vision de cinéma. Le film fut un triomphe pour le tonitruant Raimu, ainsi que Pierre Fresnay, le seul à feindre l’accent marseillais. Les autres interprètes sont tout autant bien choisis, et souvent issus du café-concert de la ville. Charpin en maître Panisse bienveillant, Alida Rouffe en mère protectrice dépassée par les événements, Paul Dullac en Escartefigue cocufié, Edouard Delmont en marin recruteur ou Robert Vattier en Monsieur Brun lyonnais font désormais partie du petit monde pittoresque de Pagnol. La plupart seront présents dans les deux autres volets de la tragédie marseillaise, à savoir Fanny (1932), réalisé par Marc Allégret, et César (1936), directement écrit pour le grand écran, et mis en scène par Pagnol lui-même. Marius fait partie la sélection Cannes Classics 2015. Il a été restauré par la Compagnie méditerranéenne de film et la Cinémathèque française, avec le soutien de divers organismes dont le Centre National de la Cinématographie et le Fonds Culturel Franco-Américain, avec le concours d’Arte France Unité Cinéma et des Archives Audiovisuelles de Monaco. La restauration 4K a été supervisée par Nicolas Pagnol et Hervé Pichard. Les travaux ont été réalisés par le laboratoire DIGIMAGE et l’étalonnage mené par Guillaume Schiffman. Gérard Crespo
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1931 - 2h - France - Scénario : Marcel PAGNOL, d'après sa pièce - Interprétation : RAIMU, Pierre FRESNAY, Orane DEMAZIS, Fernand CHARPIN, Robert VATTIER, Alexandre MIHALESCO, Alida ROUFFE, Paul DULLAC, Edouard DELMONT. |