Amy
de Asif Kapadia
Sélection officielle
Séance de minuit



Sortie en salle : 8 juillet 2015




« Après la pause, Amy Winehouse sombre dans l’enfer de la drogue. »

Il est déplorable de réaliser que certains tombent dans le panneau d’une des plus grandes démonstrations de manipulation qui soit en voyant en ce dcocumentaire hagiographique tout sauf ce qu’il est vraiment : un larmoyant plaidoyer pour panser les blessures souillées d’une artiste au génie indéniable mais à la vie tourmentée. Présenté à Cannes et réalisé par Asif Kapadia, le maestro auteur du fabuleux Senna, Amy fait bien pâle figure.

L’essai devient rapidement pathétique. Pourtant, pratiquement tous les aspects de la vie d’Amy Winehouse sont fascinants. À partir de l'histoire de cette « femme-expérience » qui a mal viré, on préfère blâmer plutôt que démontrer, et faire pleurer au lieu de représenter. Au-delà de techniques manichéennes honteuses, le film maximise les archives de l’artiste pour constamment la ramener à l’avant-plan, dans ses beaux ou mauvais jours, avec en voix off une narration omnisciente didactique. En multipliant les témoignages invisibles (on ne voit aucun interlocuteur), le film prend alors un virage très froid et rapidement immoral dans son voyeurisme. Pire, comme le choix des archives est parfois aussi banal que les pauses d'Amy dans son salon, on a recours à des tactiques sensationnalistes déloyales comme des ralentis, des arrêts sur image, voire des images insistantes sur le transport de son sac mortuaire dans l’ambulance ou des gros plans sur des détails aussi absurdes que ses pieds boueux pour montrer que la drogue la détruit à petit feu.

Et là, le film pointe du doigt : de son copain jusqu’aux médias, en passant par sa famille, ses amis et ses fans, tout le monde en a pour son grade. Des témoignages aux répliques ridicules (« Si j'avais su j’aurais essayé d’être davantage là pour elle ») tentent alors de déculpabiliser les uns et condamner les autres. Amy, dont les paroles de chansons torturées sont soulignées à gros traits, est quant à elle tantôt transformée en espèce de sainte, tantôt exhibée en bête de cirque fragile mais talentueuse.

Loin de l'ingéniosité de Senna, Amy est une musicographie de piètre qualité destinée à mousser les ventes de disques, et que l'on imagine diffusée sur le petit écran entre deux blocs de publicité :  « Après la pause, Amy Winehouse sombre dans l’enfer de la drogue ». En faisant semblant d’investiguer dans ce qui a bien pu déraper dans son parcours prometteur, le film n'explore aucun aspect intéressant, et les pistes que le spectateur aura cru déceler n'ont aucune suite à l'écran.

Amy est donc un ratage sans appel, dont on ne sauvera que la jolie musique d'Antonio Pinto et la splendide voix de Winehouse, magnifiée par le système de son des salles obscures. Pour le reste, ce pénible voire pitoyable documentaire de deux heures semble surfer sur un phénomène sans jamais lui rendre justice. Il devrait cependant attirer des foules désireuses d'exprimer un deuil qui avait pourtant déjà fait son temps.

Jim Chartrand

En collaboration avec le site Pieuvre

 



 

 


2h07 - États-Unis, Royaume-Uni - Documentaire

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