Whiplash |
« Baguettes magiques »
Un couloir… Au bout de ce couloir, marquée par un surcadrage soigné, une salle de répétition qui montre un jeune batteur qui s’entraîne, qui s’entraîne et qui s’entraîne… Travelling avant très lent ; à mesure que l’on s’approche, le roulement sur la caisse claire se fait de plus en plus rapide jusqu’à l’impossible. Damien Chazelle, dont c’est le deuxième film après Guy and Madeline on a Park Bench, nommé comme « meilleur film de l’année 2009 » par le New York Times, n’est pas loin de raconter sa propre histoire. Une fois encore, la réalité est servie par une fiction qui rend celle-ci plus lisible… Le pari était de filmer ces riffs de jazz, ces joutes entre les musiciens et leur maître, avec la violence de petites guerres sur un champ de bataille bien défini, sans pathos périphérique – il y en a un peu tout de même avec l’incontournable histoire d’amour d’Andrew, délaissant peu à peu son amoureuse au profit de la pratique de son instrument. Si Damien Chazelle n’a pas le génie documentariste d’un Frank Cassenti pour fureter avec sa caméra entre les instruments de l’orchestre, il réussit à créer une tension dramatique grâce à un scénario aussi balancé que le thème de Hank Levy (Whiplash, qui se traduit par Coup de fouet ou Coup du lapin) que répète l’orchestre de Fletcher. |
L’originalité n’est pas tant dans le propos – jusqu’où peut-on aller trop loin pour débusquer puis révéler le génie d’un artiste ? que dans la façon de montrer au public une facette du jazz plus proche des conservatoires cintrés de musique classique et de ses clichés sur les virtuoses, que de l’ambiance feutrée et lascive des clubs des Lombards ou autres Blue Note, à laquelle les films comme Bird ou Autour de Minuit nous ont habitués. C’est sans doute ce qui déroutera le plus au premier abord mais qui fera la force de ce film. Il fallait pour réussir ce pari une mise en scène pêchue et efficace. La scène, pourtant anecdotique, de l’accrochage en voiture à un carrefour de Manhattan, est à ce sujet exemplaire. En tous cas, Damien Chazelle nous interpelle sur le fait que l’émotion transcendantale ressentie à l’écoute d’une suite de Bach comme d’un solo de Jack DeJohnette, proportionne cet état de béatitude aux efforts accomplis et à la souffrance endurée pour atteindre ce niveau de maîtrise artistique. Jean Gouny
|
1h45 - États-Unis - Scénario : Damien CHAZELLE - Interprétation : Miles TELLER, Melissa BENOIST, J.K. SIMMONS, Austin STOWELL, Jayson BLAIR, Kavita PATIL, Kofi SIRIBOE, Tarik LOWE. |