Sayat Nova - La couleur de la grenade |
« Il m’a semblé qu’une image statique, au cinéma, peut avoir la profondeur d’une miniature… » Après le triomphe international des Chevaux de feu (1964), Paradjanov reçut une offre des studios arméniens, qui lui proposaient de relater la vie de Sayat Nova, grand poète local du XVIIIe siècle. Le résultat est une épure envoûtante, qui n’est en rien ce que l’on ne nommait pas encore un biopic, et encore moins une hagiographie conforme aux canons du réalisme socialiste. Un carton annonce d’emblée la couleur : « Aimable public, ne va pas chercher dans ce film la vie de Sayat Nova […]. Nous n'avons que tenté de rendre par les moyens du cinéma l'univers imagé de cette poésie dont le chantre russe Valéri Brioussov disait : “La poésie arménienne du Moyen Âge est une des éclatantes victoires de l'esprit humain inscrites dans les annales de notre monde.” ». Le film est découpé en huit chapitres, démarrant à l’enfance du poète et se clôturant par sa mort, en passant par sa retraite dans un monastère et sa rencontre avec l’Ange de la Résurrection. L’œuvre frappe par sa beauté unique, suite de tableaux réalistes et allégoriques. |
On songe à la préciosité des icônes mais aussi à un surréalisme onirique, sans utilisation par le cinéaste de lourdeur symbolique ou d’esthétisme académique. Ce beau livre d’images au rythme statique est aussi un bel hommage à la culture arménienne dont est issu Paradjanov. C’est sans doute ce qui déplut aux autorités soviétiques, soucieuses de nier tout particularisme régional au nom d’une unité nationale de façade. On reprocha aussi à Paradjanov d’avoir mal représenté l’esprit caucasien. Devant les hésitations à diffuser le film, Paradjanov demanda au réalisateur officiel Youtkevitch de l’aider à le remonter dans le but de lui donner « un aspect logique et rationnel », selon ses propres termes. C’est cette version qui a été discrètement montrée en 1971 sous le titre La Couleur de la grenade. Dans les années 80, Sayat Nova fut exporté et amplifia la notoriété du cinéaste. L’actuelle restauration de Sayat Nova a été financée par la Film Foundation-World Cinema Project et réalisée en 4K par la cinémathèque de Bologne au laboratoire L’immagine Ritrovata. Gérard Crespo
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1968 - 1h17 - Russie - Scénario : Sergei PARADJANOV - Interprétation : Sofiko CHIAURELI, Melkon ALEKYAN, Vilen GALSTYAN. |