Le Procès de Viviane Amsalem
Gett
de Shlomi Elkabetz, Ronit Elkabetz
Quinzaine des Réalisateurs


Sortie en salle : 25 juin 2014




Tu ne divorceras point

Le film est le troisième volet d'une trilogie sur l'aliénation de la femme dans la société israélienne, après Prendre femme et Les Sept jours. Ronit Elkabtez et son frère Shlomi Elkabetz, les deux cinéastes, donnent ici le meilleur d'eux-mêmes.

Viviane Amsalem (Ronit Elkabtetz) demande le divorce depuis trois ans, et son mari, Elisha (Simon Akbarian) le lui refuse. Or en Israël, seuls les rabbins peuvent prononcer un mariage et sa dissolution, qui n’est elle-même possible qu’avec le plein consentement du mari. Sa froide obstination, la détermination de Viviane de lutter pour sa liberté, et le rôle ambigu des juges dessinent les contours d’une procédure où le tragique le dispute à l’absurde, où l’on juge de tout, sauf de la requête initiale.

Le scénario est basé sur le greffe d'un véritable parcours juridique, et met le doigt sur les failles du droit de la famille et des tribunaux en Israël : absurdité d'une législation patriarcale faisant de la femme une éternelle mineure, préjugés moralisateurs de magistrats impartiaux ayant une certaine idée de la condition de la femme, lenteur et absurdité des procédures. Au-delà de ces constats, les auteurs se lancent dans une dénonciation au vitriol d'une société excessivement basée sur les règles religieuses, avec ses compromis, ses hypocrisies, et son poids contraignant des traditions.

Non seulement Viviane est coupable de vouloir quitter son mari, mais le jugement de ces hommes lui refuse toute dignité, le simple fait de vouloir rompre un lien divin la rendant forcément déviante. La charge des cinéastes est forte, et leur dénonciation rejoint la sincérité pamphlétaire de Ken Loach dans Jimmy's Hall, autre critique des censeurs religieux. Mais il ne faudrait pas réduire le film des Elkabetz à cette dimension. Le Procès des Viviane Amsalem, qui se déroule exclusivement dans une salle d'audience, assume sa théâtralité par un prodigieux huis clos, nullement « aéré » par des séquences de transition. Les cinéastes renouvellent ainsi le film de procès, tout en adoptant une démarche qui accentue le sentiment d'étouffement et d'oppression de leur personnage. Les cadrages, subtilement choisis au sein des nombreux plans-séquences, les ellipses dues aux mois de report des audiences et certains gros plans en font une œuvre forte et captivante. Le jeu d'actrice de Ronit Elkabetz accentue cette sensation. La comédienne est digne de Gena Rowlands et compose l'un des plus beaux portraits de femme déchirée et meurtrie.

Le Procès de Viviane Amsalem est donc un bel objet de cinéma, tout autant qu'un témoignage indispensable sur les dérives du pouvoir religieux.

Gérard Crespo

 

 


1h55 - Israël, France - Scénario : Shlomi ELKABETZ, Ronit ELKABETZ - Interprétation : Ronit ELKABETZ, Simon ABKARIAN, Menashe NOY, Sasson GABAI. Rami SAMON, Roberto POLLACK, Keren MOR, Evelin HAGOEL.

ACCUEIL

RETOUR A LA LISTE DES FILMS