Charlie's Country |
« Putains de voleurs » Charlie vit à Raminggining, petite communauté aborigène du nord de l’Australie, au pays d’Arnhem, perpétuellement en rogne contre le gouvernement qui édicte des lois de plus en plus strictes, qu’il considère comme un grignotage des quelques libertés encore accordées à son peuple. Personnage facétieux, coincé entre deux cultures, il arrive à Charlie de jouer des tours aux flics locaux, en charge de l’application des règles en matière d’immatriculation de véhicules, détention et port d’arme, prohibition d’alcool. Lorsque le policier Luke lui confisque son fusil, Charlie fabrique une lance, qui lui est également retirée. C’en est trop. Tout à ses frustrations et souhaitant vivre en homme libre, il décide d’aller s’installer dans le bush, pratiquant chasse et cueillette à la façon de ses ancêtres, fabricant toutes les lances qu’il le veut, avec pour tout bagage cette fameuse photo où, en 1973, la communauté au grand complet posait devant l’opéra de Sydney, lors de son inauguration par la reine. Une pluie diluvienne a pourtant raison de sa détermination et l’expérience se solde par une méchante bronchite qui conduit Charlie à l’hôpital de Darwin. Il y retrouve son ami Fat en fort mauvais état, ce qui ne lui remonte pas le moral.
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Il s’échappe de ce lieu où l’on a du mal à prononcer les noms « étrangers » et rejoint une bande de « long grassers », Aborigènes sans abri, friands d’un alcool qui leur est interdit. N’étant pas frappé par l’interdiction en question, Charlie leur fournit la « bonne épreuve » dont parlait Montaigne et tout ce petit monde boit et fume la ganja (marijuana). Jusqu’au jour où Luke, récemment affecté à Darwin, intervient et le met en prison. On y rase sa belle chevelure… Non accusateur, mais terriblement nostalgique, le film aborde avec humanisme et non sans humour les séquelles de la colonisation par les Blancs, la dépossession, le déracinement culturel, face auxquels résonne la voix de Charlie, celle de l’honneur du pays et de la dignité humaine. C’est David Gulpilil, célébrité aux multiples talents, adulée en Australie, qui incarne ce fascinant personnage, pour la simple raison que c’est lui qui a inspiré l’histoire à Rolf de Heer. Le sujet principal est ici la personnalité Gulpilil tout autant que le héros Charlie et, par le biais d’un scénario cosigné entre deux amis, le sauvetage d’un homme en perdition que le tournage a aidé à surmonter ses peurs et ses démons. Lesquels l’avaient obligé de renoncer à tourner le rôle principal dans Ten canoes, présenté au Certain Regard en 2006. Marie-Jo Astic
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1h48 - Australie - Scénario : Rolf de HEER, David GULPILIL - Interprétation : David GULPILIL, Luke FORD, Dan WYLLIE, Peter DJIGIRR, Paul BLACKWELL, Ritchie SINGER, Gary WADDELL. |