Foxcatcher
de Bennett Miller
Sélection officielle
En compétition

Prix de la mise en scène


Sortie en salle : 21 janvier 2015




« Nous sommes amis, et mes amis m'appellent Aigle ou Aigle doré. »

Médaillés d'or olympique en 1984, Mark (Channing Tatum) et Dave (Mark Rufflalo) sont devenus les célèbres frères Schulz et devraient être au sommet alors qu'ils s'apprêtent à défendre leur titre aux prochains Jeux de Séoul. Pourtant, Mark est licencié de son poste d’entraîneur de lutte, tout comme son frère aîné, et il se démène pour s'entraîner seul. Mark retrouve espoir lorsque le philanthrope et millionnaire John du Pont (Steve Carell) lui propose de rejoindre son club de lutte flambant neuf, situé dans son luxueux domaine de Foxcatcher. Dave tombe lui aussi sous le charme du patriote excentrique, séduit par la perspective de mettre en place la meilleure équipe de lutte au monde. Mais les délires paranoïaques de du Pont et sa volonté irrationnelle de garantir la victoire des États-Unis à l'étranger vont prendre le pas sur sa générosité et sa bienveillance…

Inspiré d'incroyables mais véritables événements ayant touché le mécène John Eleuthère du Pont (1938-2010) et deux célèbres lutteurs olympiques, le film de Bennett Miller est l'oppressant récit d'une manipulation et d'un cas clinique. Autoritaire, capricieux, lunatique, John du Pont a l'arrogance de sa classe et exerce une domination similaire à celle du gourou incarné par Philip Seymour Hoffman dans The Master (P.T. Anderson, 2012). Point d'emprise religieuse ou spirituelle ici mais un véritable ascendant mental, qui fait peu à peu de Mark le jouet de son maître. D'abord sceptique puis observateur, le jeune lutteur en vient à se braquer contre son propre frère, lui-même un temps victime de l'intrigant du Pont.

Bennett Miller, à qui on doit un intelligent biopic sur Truman Capote (Oscar du meilleur acteur pour Philip Seymour Hoffman en 2006), manie la sobriété avec aisance, sans jamais verser ni dans l'académisme, ni dans l'esbroufe. Un ton de tragédie antique imprègne son récit, à peine tempéré par de rares instants d'humour, révélateurs de la personnalité de du Pont : agacé que Mark s'obstine à le nommer “Monsieur”, l'inquiétant sponsor déclame avec le plus grand naturel : « Nous sommes amis, et mes amis m'appellent Aigle ou Aigle doré ». Sa mégalomanie apparaît aussi dans la décoration grandiose de son Foxcatcher, mélange sublime du Xanadu de Kane et des intérieurs hautains de Eyes Wide Shut (S. Kubrick, 1999).

Quand tant de films hollywoodiens se complaisent dans des scénarios explicatifs et de lourds symboles, Foxcatcher séduit par ses ellipses, sa distanciation, ses non-dits, et ses personnages mystérieux, à l'image de la vieille mère incarnée par une Vanessa Redgrave méconnaissable. Il faut également souligner le jeu dramatique de haute tenue de Steve Carell, jusque-là spécialisé dans la comédie bas de gamme (40 ans, toujours puceau), et à qui on aurait bien décerner un prix d'interprétation, partagé avec le ténébreux Mark Ruffalo et l'étonnant Channing Tatum. Bennett Miller a donc signé l'une des plus agréables surprises de la compétition officielle.

Gérard Crespo


 

 


2h10 - États-Unis - Scénario : E. Max FRYE, Dan FUTTERMAN - Interprétation : Channing TATTUM, Anthony MIchael HALL, Mark RUFFALO, Steve CARELL, Sienna MILLER, Vanessa REDGRAVE.

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