L'Étudiant
Student
de Darezhan Omirbayev
Sélection officielle
Un certain regard



Sortie en salle : 5 mai 2014




Tu ne tueras point

Darezhan Ormibayev avait été révélé par Kairat (1992), un premier long métrage qui avait remporté plusieurs prix internationaux. L'Étudiant est son troisième film présenté dans la section Un Certain Regard, après Tueur à gages en 1998 et La route en 2001. Admirateur de Robert Bresson, il développe une démarche hiératique dans un style dépouillé, préférant la voie de l'épure et de la distanciation au romanesque psychologique. Comme Bresson (Une femme douce), il se frotte à un matériau littéraire de Dostoïevski, se le réappropriant pour l'intégrer à sa démarche intransigeante et son moralisme désenchanté. Car L'Étudiant est une libre adaptation de Crime et châtiment, transposé dans le cadre d'une petite ville du Kazakhstan, de nos jours. Nous pouvons suivre un étudiant en philosophie qui loue une chambre au sous-sol d'une maison excentrée occupée par une vieille dame. Souffrant d'un manque d'affection et d'argent, il se lie d'amitié avec une jeune fille bienveillante et repère une épicerie qu'il envisage de cambrioler.

On se doute que l'acerbe critique sociale en filigrane du récit n'est pas un simple vernis, le cinéaste étant habile à montrer les méfaits de l'individualisme et de la précarité dans des sociétés confrontées à la compétition et au moule du marché.

Une séquence de cours universitaire, qui voit une enseignante décrire avec froideur les mécanismes de la concurrence, véhiculant implicitement des valeurs douteuses, constitue moins une digression qu'une tentative de cerner, sans les justifier, les futures motivations du protagoniste. Un environnement froid et corrompu semble ainsi imprégner tout le récit, prédisposant l'étudiant à son crime. On se doute aussi que Ormibayev ne va pas se prêter à une transposition littérale du roman. Les fans de Crime et châtiment chercheront en vain l'apparition du juge Porphyre et L'Étudiant n'a rien en commun avec l'intéressante version française de Pierre Chenal (1935), dans laquelle Pierre Blanchar campait un Raskolnikov expressionniste sombrant lentement mais sûrement dans la folie. Ici, aucune émotion n'est dévoilée, pas même lors de la visite de la mère et de la sœur aimées. La froideur atonale et le jeu inexpressif (volontaires) du jeune comédien kazakh (et de son personnage) renvoient plutôt à la sobriété de Christian Patey dans L'Argent (Robert Bresson, 1983), adapté par contre d'une nouvelle de Tolstoï. Mais le style contemplatif de Ormibayev ne suscite pas autant d'adhésion et ce cinéma alternant plans-séquences et ellipses narratives pourra lasser par sa froideur hautaine.

Gérard Crespo

 

 

 


1h30 - Kazakhstan - Scénario : Darezhan OMIRBAYEV, d'après le roman ''Crimes et châtiment" de Fedor Dostoïevski - Interprétation : Maiya SERKIBAYEVA, Yedyge BOLYSBAYEV, Bakhytzhan TURDALIYEVA.

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