Sur la route
On the road
de Walter Salles
Sélection officielle
En compétition



Sortie en salle : 23 mai 2012




Flairer le monde

C’est jusqu’au 19 août 2012 qu’est exposé au musée des Lettres et des Manuscrits de Paris le rouleau de trente-six mètres de long, sans marge, ni paragraphe, ni virgule constituant le texte original du roman, que Jack Kerouac écrivit à 29 ans entre le 2 et le 22 avril 1951. Le tapuscrit relate la fuite de la dénommée beat generation qui, dans l’Amérique d’après-guerre, cherche sa place dans le monde, assume sa contre-culture et affiche sa volonté de choquer la mouvance conservatrice à travers l’expérience de l’alcool, des drogues, du sexe et du rejet des codes de la bien-pensance et de la normalité.

Après l’échec d’une adaptation via Marlon Brando, c’est à Francis Ford Coppola que Kerouac propose les droits et Walter Salles qui, bien des années après, se frotte au périlleux exercice du passage à l’écran du roman désormais étiqueté « culte ».

Qu’il s’agisse de personnage ou de roman, le genre ne semble pas attirer au réalisateur la bienveillance de la critique qui a descendu Sur la route à peu près dans les mêmes largeurs qu’elle l’avait fait en 2004 pour ses Carnets de voyage, biopic sur Ernesto Guevara. On ne touche décidément pas impunément à l’aura « culte ». Et pourtant serait-il mal élevé d’avouer que Sur la route ne se laisse pas lire avec autant d’enthousiasme qu’il veut bien s’en donner l’air ? Que des pauses s’imposent à sa lecture. Que sa prétendue modernité se trouve copieusement ébréchée par les changements de générations et l’évolution d’une société où le tout vu, tout lu, tout bu a pris bien du plomb dans l’aile.

Que la vie ne se vit plus à fleur de peau. Que les expressions – au poil, ça colle – ne sont plus tout ce qu’il y a de plus « tendance » et laissent derrière elles un arrière-goût de désuétude. Quitte à se livrer aux gémonies des intégristes kerouaquens, voilà qui est fait. Ceci expliquant peut-être aussi en partie l’aspect casse-gueule de l’entreprise.

Sous la plume fiévreuse de Sal Paradise / Kerouac, se déroulent don les grands espaces et les routes qu’il a traversés et suivies avec son pote Dean Moriarty et la belle Marylou, croisant celles de Carlo, Rita et autres Terry, le plus souvent à bord de la fameuse Hudson, personnage à part entière de l’histoire, avec le non moins célèbre Swan’s way érigé en bible de la petite communauté. Irrigué par le jazz, le récit foisonnant, détaillé, opulent, retrace depuis Lowell, Massachusetts, où Kerouac a passé son enfance et son adolescence, les divers itinéraires via la Louisiane, le Nouveau-Mexique, l’Arkansas, le Canada, le Mexique ou encore la Patagonie sillonnant cette Amérique, à l’époque des deux mandats de Truman, ce « bon vieux Harry » ainsi que, comble de la subversion, le qualifie Moriarty. Herbes drôles, alcools et tubes de benzédrine à gogo servent de carburant à la marginalité de la bande et à la rage d’écrire de Paradise.

Décors trop soignés, sépia pour faire d’époque et même erreurs de casting – pourtant impeccable – ont également été reprochés à Walter Salles pour faire bonne dose dans un procès d’intention qu’est très loin de mériter le film, lequel aurait plutôt tendance à nous réconcilier avec le roman.

Marie-Jo Astic

 

 

 


2h20 - Brésil - Scénario : Jose RIVERA, d'après l''oeuvre de Jack Kerouac - Interprétation : Sam RILEY, Garrett HEDLUND, Kristen STEWART, Tom STURRIDGE, Kirsten DUNST, Viggo MORTENSEN, Amy ADAMS, Elisabeth MOSS.

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