Room 237 |
Un exercice de style sur "Shining" pour le moins pas… brillant ! L'idée était pour le moins alléchante. Une bande de geeks férus de Stanley Kubrick, et en particulier de son chef-d’œuvre horrifique qu'est Shining, décide de faire un documentaire dont le but est de rencontrer des fans et des exégètes du film pour en explorer les moindres recoins et les interprétations les plus farfelues. C'était une promesse de loufoquerie, mais aussi d'une certaine rigueur analytique qui nous était ainsi faite. Il n'en est rien. Si le documentaire de Rodney Ascher séduit par moments par ses effets de montage ludiques et son second degré, il nous perd très rapidement. La faute en partie à un chapitrage didactique lourdaud et qui plus est pas vraiment respecté, mais aussi à un choix au mieux décevant, au pire désolant, des intervenants supposés nous parler du film. C'est une femme qui est obnubilée par un poster de skieur qui lui évoque le Minotaure, un homme qui s'amuse à superposer le film à son image rembobinée – quelque chose que Kubrick n'était pas techniquement capable de faire à l'époque et qui n'a donc aucun intérêt à part des coïncidences plastiques amusantes. Plus grave, par moments, non seulement on s'interroge sur l'intention profonde du réalisateur, mais surtout sur ses accointances douteuses : il flotte en effet sur Room 237 comme un parfum sectaire, quelque part entre relents scientologues (l'omniprésence de rushes de Tom Cruise dans Eyes Wide Shut) et judéo-franc-maçonniques (le coup des valises quand même...) qui ôte sa crédibilité à l'entreprise. Dommage car on devine un énorme potentiel devant certains documents (making-of du film, documentaire de Christiane Kubrick, scènes de la version américaine du film) et quelques faits relativement troublants, comme l'utilisation de certains tableaux ou la topologie du film.
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Autre regret, le film passe à côté des énigmes les plus attendues : le motif du labyrinthe et la maquette démoniaque, les irruptions de fantastique, et globalement toute la fin qui reste toujours aussi mystérieuse. Regret d'autant plus amer que la bouffonnerie de ce sur quoi s'attarde Rodney Ascher provoqua à Cannes l'hilarité de la salle à l'encontre du film, avant de plonger une partie de l'auditoire dans un sommeil profond. Ainsi de séquences grotesques à la limite de la scatologie et du sexe de bas étage, qui font certes sourire mais sont bien en deçà de nos attentes. Plus inquiétant, le ressassement de vieux dossiers déjà considérés comme obsolètes, comme toute cette partie du film qui revient sur le par ailleurs excellent faux documentaire de William Karel, Opération Lune. Seulement ce film avouait sa supercherie, alors que Room 237 tient pour argent comptant ces élucubrations et en tire un parallèle absolument ridicule avec Shining, prenant le pull-over de Danny, un de ses jouets et une paronomase maladroite entre room et moon comme preuve que l'homme n'a pas marché sur la lune et que Kubrick a tourné les images que tout le monde connaît. Où comment prendre le spectateur pour un imbécile. Ainsi, si Room 237 n'est pas sans scènes truculentes deci-delà, force est de constater que la belle promesse n'est pas tenue, et que le projet confine par moments à l'arnaque pure, allant jusqu'à utiliser des images des films de Kubrick ou de ses ayants droit en s'affranchissant de ces mêmes droits. Un comble. Maxime Antoine
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1h44 - Grande-Bretagne - Scénario : Ian HERZON - Documentaire |