Moi et toi
Io e e te
de Bernardo Bertolucci
Sélection officielle
Hors compétition



Sortie en salle : 18 septembre 2013




Dis-moi où tu vas jeune homme solitaire, car il y a trop de souffrance… *

Pour Bernardo Bertolucci, Io e te signe le temps des retrouvailles : avec le cinéma, dix ans après que la maladie l’a cloué sur un fauteuil roulant ; avec l’italien, sa langue, dans laquelle il n’avait pas tourné depuis trente ans. Avec cette adaptation du roman éponyme de Niccoló Ammaniti, il signe un film plein de retenue, un huis clos ardant auquel les deux jeunes acteurs apportent la fraîcheur de leur premier grand rôle au cinéma.

Peu importe à Lorenzo ces séances chez le psy. Pour lui, le néant reste bêtement associé à cette normalité à laquelle il serait censé de se conformer. Être « normal » c’est être « rien ». Cela se lit dans ses yeux. À 14 ans, casque vissé sur les oreilles, il voudrait mettre fin à ce monde où gravitent une mère possessive et casse-pieds et des ados avec lesquels il ne partage rien. Au moment où se prépare un départ en classe de neige, il se fait faire un double de la clé de la cave de son appartement romain et s’organise une retraite de sept jours en compagnie de sa musique, d’un élevage de fourmis et d’un livre sur les insectes. Histoire de vivre enfin en paix sa claustrophilie.

L’intrusion intempestive de sa demi-sœur Olivia, d’une dizaine d’années son aînée, junkie en quête de désintoxication, vient alors perturber le petit domaine de Lorenzo, cette cave, qui, modulable, polymorphe et filmée sous ses angles les plus baroques, semble se réagencer sans cesse au gré des circonstances que génère la cohabitation des deux jeunes gens. Lesquels, confinés sous terre, se découvrent, s’entraident, pansent leurs plaies, confrontent leurs rêves et finalement s’apprennent réciproquement à affronter le réel et à se remettre en marche.

Un équilibre fragile qui pourra tout aussi bien s’écrouler aussitôt fermée la parenthèse, lorsque Lorenzo et Olivia retrouveront leurs solitudes. Ragazzo solo, ragazza sola *… c’est le tube de David Bowie qu’ensemble ils ont chanté et dansé, dans une scène pleine de charme et de grâce, lorsque la cave les avait réunies.

Alors qu’on ne l’attendait guère sur ce terrain, il y a chez Bertolucci une justesse, une pudeur et une distance lorsqu’il donne à ressentir la souffrance extrême, à exprimer les non-dits, qui conjuguées à l’âpreté et à la violence du propos, font de ce film une très belle surprise.

Marie-Jo Astic


 

 

 


1h33 - Italie - Scénario : Bernardo BERTOLUCCI, Umberto CONTARELLO, Francesca MARIANO, d'après le roman de Niccolo Ammaniti - Interprétation : Tea FALCO, Jacopo Olmo ANTINORI, Sonia BERGAMASCO.

ACCUEIL

RETOUR A LA LISTE DES FILMS