Camille redouble |
Si je ne tombe pas enceinte maintenant, ma fille n’existera plus Un bel égorgement, bien gore, quelques verres, vite descendus. Après un plaisant générique, c’est ainsi que l’on fait connaissance avec Camille, la quarantaine, actrice d’un jour, un peu portée sur la bouteille et en passe d’être larguée par Eric, son mari, qui veut vendre l’appartement commun et la presse de faire ses cartons, sous l’œil relativement indifférent de leur fille. La solitude lui tombe sur les épaules une veille de Jour de l’An où elle se résout à répondre à l’invitation d’une amie. Non sans avoir fait un détour chez un horloger, « à l’ancienne » au point d’en être édenté (inimitable Jean-Pierre Léaud), qui aide Camille à extraire sa bague de fiançailles de son annulaire grossi. Bague dont elle se débarrasse définitivement depuis le balcon de son amie. Quelques verres plus tard, Camille s’écroule. C’est alors que Noémie Lvovsky, qui interprète le rôle-titre, se transpose elle-même dans une mise en scène facétieuse et casse-gueule dont elle tire allègrement son épingle du jeu. Tout ce que le temps a usé, détruit, laminé revient. Camille se retrouve en 1985, elle a 16 ans, des espérances et toute une vie à vivre. Elle a donc des parents aussi… pour notre plus grande joie eu égard à l’impayable couple formé par Yolande Moreau et Michel Vuillermoz, décidément omniprésent dans ce Festival, en croque-mort chez Définitif dans Adieu Berthe, puis en himself dans Vous n’avez encore rien vu.
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Le voici à présent, à l’unisson de sa femme quelque peu excédée, en père lassé des âneries de jeunesse et des bizarreries adolescentes de sa fille. Camille retrouve aussi son chat, les bancs du lycée et les devoirs à faire, ses fringues déstructurées et excentriques des années quatre-vingt, ses deux meilleures copines et… Eric (Samir Guesmi qui interprète lui aussi les rôles aux deux âges). C’est là que Camille doit faire attention : ne pas renouveler les erreurs du passé. Sauf que le passé est devenu le présent. C’est là aussi que Noémie Lvovsky réussit haut la main le tour de passe-passe. Camille, sachant que cela lui manquera plus tard, filme et enregistre ses parents, tous deux abasourdis et inquiets lorsqu’elle les oblige à chanter « leur » chanson, soit la Petite Cantate de Barbara. Connaissant déjà le naufrage de son histoire d’amour avec Eric, fou amoureux de son genre Mathilde de la Môle, elle tente de le repousser, lui assénant un pour le moins surprenant « Tu as gâché ma vie ! » Dans ce jeu du chat et de la souris avec le temps, Noémie Lvovsky trouve judicieusement la parade en la personne de son prof de physique, alias Denis Podalydès, pour mener à bien cette très jolie et audacieuse comédie sentimentale, tout en décalages et en variations temporelles. La réalisatrice invite ses amis acteurs à partager sa fantaisie, dont Mathieu Amalric en prof de théâtre parfaitement allumé qui manquait au casting précédemment cité. Comme Alain Resnais, Camille redouble est aussi un éloge aux comédiens. Noémie Lvovsky les aime, au moins autant qu’elle aime Barbara. Marie-Jo Astic
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2h - France - Scénario : Noémie LVOVSKY, Florence SEYVOS, Pierre-Olivier MATTEI, Maud AMELINE - Interprétation : Noémie LVOVSKY, Samir GUESMI, Judith CHEMLA, Yolande MOREAU, Michel VUILLERMOZ, Denis PODALYDES, Jean-Pierre LEAUD, Mathieu AMALRIC, Anne ALVARO, Vincent LACOSTE, Anthony SONIGO. |