Les Bêtes du sud sauvage |
Interdit de pleurer Pour son premier long métrage, Benh Zeitlin renouvelle le succès qui lui valut l’award du grand jury à Sundance et remporte à Cannes le prix très convoité de la Caméra d’or. Dans le delta du Mississipi, Louisiane, où l’ouragan Katrina se déchaîna en 2005, gémir n’est pas de mise pour les petits, les obscurs, les sans grade que constitue le peuple des marais. C’est survivre qui est à l’ordre du jour, dans un bidonville géant de cabanes précaires perchées sur d’improbables pilotis. Lie de la société, accablés de tous les maux, abandonnés des dieux et des hommes, englués dans la boue, ils composent une famille décomposée par la misère. Hushpuppy, 6 ans, fait partie de ceux-là, qui y est « élevée » par son père Wink, à la dure : « Partage avec le chien » lui dit-il lorsqu’à l’occasion il y a quelque chose à partager. Difficilement crédible mais malheureusement vrai. Du poulet au crabe, écoutant leurs battements de cœur, elle communique avec tout un bestiaire comme pour apprivoiser quelques éléments isolés d’une nature qu’elle sait indomptable, mais dans laquelle elle puise sa force, son courage et sa sagesse. |
Elle sait aussi qu’un jour des créatures féroces, à l’image de l’auroch qu’elle a aperçu gravé sur la cuisse de la « maîtresse » se libèreront des glaces pour venir rayer de la carte son territoire de survie, ce monde inondable, rongé par l’eau salée, séparé du monde sec par une digue assassine, condamné à mort par les bouleversements climatiques. Elle sait encore qu’un jour elle rejoindra sa mère, au bout de cet horizon qui lui renvoie le faible clignotement d’un phare perdu dans la brume. Et pour laisser des traces d’existence dans le naufrage qui s’annonce, Hushpuppy dessine. Bourrasques, puis tempête, c’est l’ouragan qui se déchaîne, la terre qui se désagrège. Restituées à travers le regard de Hushpuppy, fusionnant réel et imaginaire, les scènes apocalyptiques, les fulgurances visuelles que Benh Zeitlin insuffle à ses Bêtes du Sud sauvage ont le bon goût de donner à Terence Malick, palmé d’or l’an dernier pour The Tree of life, quelque leçon de fin du monde, si ce n’est de mise en scène. Quand à la petite Quvenzhane Wallis, elle reste l’inoubliable héroïne de ce spectaculaire et phénoménal film de résistance. Marie-Jo Astic
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1h32 - Etats-Unis - Scénario : Lucy ALIBAR, Benh ZEITLIN - Interprétation : Ouvenzhané WALLIS, Dwight HENRY, Jonshel ALEXANDER. |