Augustine
de Aline Winocour
Semaine internationale de la critique
Séance spéciale


Sortie en salle : 7 novembre 2012




Conte de la folie ordinaire

La première œuvre d'Alice Winocour est inspirée des travaux du professeur Charcot à l'hôpital de la Salpêtrière en 1885. L'enquête minutieuse à laquelle elle s'est prêtée ne débouche pas sur une reconstitution pointilleuse ou un biopic noyé sous les conventions et poussières du film à costumes. Augustine est bien un personnage de fiction, bien que dérivé du cas d'une patiente du neurologue français, et les faits qui se déroulent sous nos yeux sont avant tout issus de l'inspiration de la réalisatrice et scénariste. C'est ce qui fait la force du récit, l'un des plus aboutis sur la folie et la condition de la femme au XIXe siècle. L'étude clinique de la supposée hystérie féminine est pourtant abordée avec un réalisme historique saisissant : froideur des visites médicales, condescendance voire cruauté de spécialistes considérant ces femmes psychologiquement fragiles comme de purs cas cliniques, semblables à des animaux de laboratoire... La cinéaste aborde dès lors le cas d'Augustine, domestique de dix-neuf ans internée suite à des crises d'une rare ampleur, comme une métaphore des rapports de classe et de sexe : la jeune femme internée, illettrée mais d'une rare intelligence, doit faire face à des hommes, notables bourgeois croyant détenir la vérité scientifique, et ne réalisant pas qu'ils ne font que renforcer l'aliénation de leurs patientes...


On songe à la Vénus noire d'Abdellatif Kechiche plus qu'à L'enfant sauvage de François Truffaut ou Elephant man de David Lynch, pour ces séquences mêlant exhibition et tentative d'analyse d'une pathologie.

En abordant le thème des désirs sexuels inconscients mais explicitement dévoilés par les convulsions d'Augustine, la réalisatrice donne à son métrage une tonalité sensuelle et implicitement fantastique qui n'est pas sans rappeler la démarche de David Cronenberg dans A dangerous method, surtout quand la relation entre Charcot et Augustine dévie vers l'attirance physique, au moment même où la malade semble guérie... Mais on appréciera les ellipses et non-dits qui laissent au spectateur le soin d'interpréter à sa guise les mystères d'une narration moins huilée qu'elle n'aurait pu l'être. Si Vincent Lindon est comme à son habitude remarquable, le film est surtout la révélation de Stéphanie Sokolinski dont le personnage rejoint la galerie des grandes névrosées du cinéma, de Gena Rowlands dans Une femme sous influence à Isabelle Adjani dans Histoire d'Adèle H...

Gérard Crespo



1h42 - France - Scénario : Alice WONOCOUR - Interprétation : Vincent LINDON, Stéphanie SOKOLINSKI, Grégoire COLIN, Chiara MASTROIANNI, Olivier RABOURDIN.

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