Tous au Larzac |
« Des moutons, pas des canons ! » En 1971, le ministère de la Défense décide l'extension du camp militaire du Larzac, au nom de « l'intérêt public », déclenchant une menace d'expulsion pour des paysans éleveurs. Ces derniers décident alors une action collective qui va durer dix ans et symbolise le mouvement social des années 1970. Après Les Lip, l'imagination au pouvoir, Christian Rouaud propose une démarche documentaire similaire par sa teneur et sa portée. Quarante ans après le début de ce conflit politique, social et économique, il décide d'interviewer neuf protagonistes (essentiellement des agriculteurs) et de croiser leurs témoignages avec des images d'actualité. La complicité entre le cinéaste et ces « acteurs » s'avère vite communicative et si le film assume son caractère militant, mettant en exergue la combativité d'une communauté, jamais il ne verse dans le schématisme ironique d'un Michael Moore ou la platitude de certains reportages télévisés. « Je voulais que l'on se nourrisse de cette histoire pour regarder notre monde », affirme Christian Rouaud. « Ce qui caractérise les luttes de cette époque, ce n'est pas le dogmatisme gauchiste mais une incroyable liberté de ton, une fierté, une insolence, une imagination sans bornes ». |
Le meilleur de l'œuvre réside ainsi dans l'évocation du répertoire original de la mobilisation : lâcher de brebis sur la place de la mairie locale ou sous la tour Eiffel, enlèvement de vestiges militaires, occupation d'une ferme rachetée par l'armée... De même, le documentaire excelle à montrer l'éveil à la conscience politique d'un groupe jusque-là replié sur ses traditions ancestrales et religieuses et qui ira jusqu'à s'allier à la contre-culture (hippie, pacifiste) en émergence au cours de ces années. Aussi éloigné de la doxa institutionnelle des partis et syndicats que de la langue de bois de certains politiciens, ces hommes et femmes se distinguent par une sincérité sans failles et une pugnacité qui ont permis un laboratoire d'idées et de pratiques, en terme associatif ou productif. Tous au Larzac, par sa puissante humanité et une construction limpide est plus proche du conte que du pamphlet et fera sans doute date, tout en faisant écho à d'autres documentaires se situant en milieu rural : on songe au diptyque Farrebique/Biquefarre de Georges Rouquier (1946 et 1983) ou à La vie moderne de Raymond Depardon, avec qui Christian Rouaud partage la même acuité cinématographique. Et si les brebis n'ont pas finalement pas obtenu l'autorisation de monter les marches, Tous au Larzac, a sans doute été, avec Walk away Renée, le meilleur film documentaire de ce Festival de Cannes 2011. Gérard Crespo |
2h00 - France, Italie, Allemagne - Documentaire
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