Take Shelter |
Creuse toujours, la tempête te guette Ne défiez pas le marchand de sable, il pourrait vous quitter... Entre songes dérangeants et obsessions anxiogènes, la nouvelle œuvre de Jeff Nichols, Take Shelter, laisse forcément des traces. Frigorifiant, intense. Les spectateurs entrent en transe avec la surprenante histoire de Curtis qui vire du rêve au cauchemar.
Vous l’aurez deviné, Jeff Nichols, ayant déjà connu un grand succès avec son premier long métrage Shotgun Stories, a choisi les angoisses et la peur intérieure comme sujet principal de son nouveau film. Take Shelter est un mélange fort étonnant du film apocalyptique et du drame sentimental! Ce cocktail inattendu est un ingénieux équilibre entre le cinéma hollywoodien et le cinéma indépendant américain. C’est ce qui lui permet d’atteindre ses objectifs : faire un film grand public tout en gardant une qualité cinématographique indéniable. Passant du monde des songes à la réalité, nous nous perdons avec Curtis dans sa folie. Le jeu de Michael Shannon (Curtis) et de Jessica Chastain (sa femme Samantha) est d’une très rare qualité. La scène où Curtis a une attaque pendant un cauchemar est bouleversante. Les regards, les gestes, cette précision ne laissent pas indifférent, exacerbant les souffrances des personnages. De même, la progression passionnante de leur relation nous tiendra en haleine jusqu’au bout. Cependant ce jeu d’acteur ne serait rien sans l’excellente équipe de Jeff Nichols qui grâce à un incroyable travail nous offre une symphonie de son et lumière accompagnant parfaitement ce scénario bien rodé même si un peu traditionnel ! Comme le dit le réalisateur, ce film est sûrement le « point d’orgue de [s]a carrière ». Nous plongeons avec plaisir dans cette histoire qui nous questionnera sur nous-mêmes face à notre famille ou à la maladie cherchant un équilibre salvateur. Jeff Nichols, souvenez vous de ce nom qui va entrer dans la légende du cinéma américain ! |
Sous un ciel d'orages et de craintes Orages assourdissants, éclairs déchirant un ciel noirci par les nuages, telle est l’atmosphère oppressante de ce second film du réalisateur Jeff Nichols, déjà reconnu pour son premier long-métrage Shotgun Stories. Pendant près de 2h, le cinéaste nous plonge dans un drame intime, teinté d’un air de fin du monde, mêlant des influences provenant de réalisateurs aussi variés que Terrence Malick ou bien John Ford. Le personnage principal, Curtis LaForche, menant une vie tranquille et banale dans une banlieue calme de l’Ohio, se trouve soudain confronté à des rêves mystérieux et à une obsession qui le ronge de plus en plus au fur et à mesure du temps. Rythmé par de nombreuses scènes apocalyptiques, Take Shelter peut, à première vue, faire penser à un film catastrophe tout droit sorti des studios d’Hollywood. L’œuvre s’impose néanmoins comme étant d’une richesse et d’une complexité intéressantes. En effet, tout en présentant un aspect psychologique pertinent et profond de la paranoïa du personnage, le film traite d’un thème majeur et existentialiste : le rapport entre l’Homme et son environnement. Ainsi, dans le film, le personnage principal est obsédé par la volonté de protéger son espace familial des éléments menaçants de l’extérieur. Ce thème est très certainement mis en valeur par les menaces climatiques constamment éprouvées par le héros. En nous rapprochant sans cesse de la nature, Take Shelter questionne donc également un thème, aujourd’hui d’actualité, qui est la peur constante de la population américaine et mondiale d’un danger atmosphérique et climatique. L’orage, la tempête, la pluie, jalonnant le cours du film, sont donc tant de métaphores exprimant les craintes du personnage mais également nos malaises et tourments quotidiens face à des médias toujours plus alarmistes. À mi-chemin entre drame personnel et film de genre, Take Shelter est un film qui va étudier au plus profond la psychologie de la peur et de la folie de l’Homme moderne. Sans se réduire à une seule approche, l’œuvre propose donc différents niveaux de lectures ce qui la rend ainsi tout à la fois accessible et pertinente. Rémy Bastrios
Une bande-son plus effrayante que l'image elle-même, des couleurs caractéristiques du genre fantastique, mais surtout un ciel constamment chargé au-dessus des personnages, rangent ce second film dans les genres fantastique et catastrophe à la fois. Et cette combinaison fonctionne à point : l'anxiété, trait commun des deux registres, est l'élément autour duquel l'intégralité du scénario s'inscrit. Le poids du ciel (magnifique à chaque fois) sur le quartier de l'innocente famille LaForche représente les charges qui pèsent sur l'homme moyen d'aujourd'hui: la crise financière, le chômage, la pollution, le handicap de sa fille... L'association du drame personnel à la catastrophe météorologique renvoie à la fatalité divine, en plus de la ferveur chrétienne familiale. Les forces du ciel semblent s'acharner sur les personnages ; les oiseaux, comme chez Hitchcock, de mauvais augure, vont jusqu'à attaquer le protagoniste. Et nous assistons à cette tragédie, dans laquelle les individus tentent de se débattre contre le destin, sans aucun moyen d'interrompre le processus. Un élément propre à la tragédie classique est l'ignorance des personnages. Ici, Curtis lutte contre Zeus avec son abri anti-tempête, symbole de l'enfer sous Terre, mais il n'en reste pas moins dans l'incompréhension. Et cette détresse intérieure affaiblit le personnage. D'abord, face au ciel, surveillé par Curtis, tellement petit par rapport à l'immense toile grise et en relief. Ensuite face à sa femme, tellement solide par rapport à l'homme angoissé, en dépit de la force physique de Michael Shannon. Jeff Nichols nous entraîne cependant dans une histoire plutôt revisitée de la catastrophe naturelle et de l'être sujet aux hallucinations: seul dans sa folie, incompris du reste des hommes. Est alors redouté un manque d'originalité du concept, en plus de la confusion quant à la direction que prendra le scénario. Nos doutes sur la reprise d'un modèle populaire et vendeur, sont instantanément éteints avec la toute scène de fin. Salomé Chauveau
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1h56 - Grande-Bretagne - Scénario : Jeff NICHOLS - Interprétation : Michael SHANNON, Jessica CHASTAIN, Tova STEWART. |