La source des femmes
The Source
de Radu Mihaileanu
Sélection officielle
En compétition



Sortie en salle : 2 novembre 2011




La guerre des sexes n'aura pas lieu

Auteur de Va, vis et deviens et Le concert, deux hits boursouflés et larmoyants qui ont cartonné au box office, Radu Mihaileanu est un cinéaste terriblement académique dont le dernier opus était attendu au tournant. Il s'agit là de son meilleur film, nous n'oserons écrire le moins mauvais. Le projet est né d'un fait divers déroulé en Turquie il y a dix ans : lasses d'aller tous les jours chercher de l'eau à la source d'une montagne voisine, les femmes ont décidé de se révolter et d'entamer une grève du sexe tant que les hommes ne raccordaient pas l'eau au village. Après avoir capté l'hébreu dans Va, vis et deviens et le russe dans Le concert, Mihaileanu s'est intéressé à la langue arabe et a transplanté le récit au fin fond du Maroc, où seuls le réseau de la téléphonie mobile et les chaînes de télévision semblent rattacher une petite communauté villageoise au reste du monde. Le meilleur du film réside dans le travail sonore : la musicalité du dialecte s'accorde harmonieusement avec des séquences semi-documentaires mêlant tonalités symphoniques et musicales, voix de femmes et violons iraniens, pour composer un beau métissage sonore qui culmine avec la scène de la fête de la récolte au cours de laquelle les femmes voilées chantent les revendications de leur action collective. Le récit soulève par ailleurs des sujets très ''air du temps'', à commencer par les questions de la condition de la femme dans la société musulmane et des frontières entre islam et islamisme, le cinéaste désamorçant certains clichés en évoquant la richesse et la sensualité de la culture orientale (Les 1001 nuits).

Film d'actrices, le film aurait pu obtenir un prix d'interprétation collectif : Leila Bekhti (César du meilleur espoir féminin) est d'une classe et d'une distinction troublante. Elle est bien épaulée par Hafsia Herzi (L'Apollonide) et Sabrina Ouazani (Des hommes et des dieux), tandis que Biyouna (Délice Paloma) et Hiam Abbas (Free Zone) confirment leur statut de grandes actrices internationales. Au crédit de l'œuvre, on mettra aussi d'évidentes résonances avec l'actualité du printemps arabe...

Là où le bât blesse, c'est que le cinéaste étire un récit qui aurait gagné en concision et/ou en subtilité, à l'image des contes communautaires de Kiarostami ou Pagnol. Les dialogues révèlent une naïveté et une maladresse confondantes, les scénaristes plaçant dans la bouche de femmes opprimées un discours féministe occidental que l'on ne saurait trouver crédible dans un tel contexte. Et que dire du manichéisme des personnages, la seule figure masculine positive étant un bel instituteur progressiste mais n'hésitant pas à sortir le couteau face à un rival sentimental ? Ce n'est pas le moindre mérite de l'acteur Saleh Bakri (La visite de la fanfare) que de parvenir à rendre crédible un tel stéréotype. Enfin, la mise en scène télévisuelle constitue sans doute la limite la plus évidente d'une œuvre sincère et humaniste mais inaboutie.

Gérard Crespo


2h15 - France - Scénario : Alain-Michel BLANC, Radu MIHAILEANU - Interprétation : Hafsia HERZI, Leïla BEKHTI, Zinedine SOUALEM, Sabrina OUAZANI, BIYOUNA, Hiam ABBAS, Mohamed MAJD, Saleh BAKRI.

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