Portrait d'une enfant déchue |
Faye Dunaway magnifique dans un chef-d'œuvre ressuscité Ancienne égérie de la mode, Lou Andreas Sand (Faye Dunaway) s’est isolée dans une maison au bord de l’océan où elle tente de vivre autrement, en se consacrant à la poésie et à la sculpture. Abîmée par la dépression et les excès, elle reçoit la visite de son ami photographe Aaron Reinhardt qui est désormais cinéaste. Celui-ci est venu enregistrer des entretiens avec l’ancien mannequin en vue de réaliser un film sur sa vie. Au fil de son récit, Lou exhume les souvenirs de son ascension, puis de sa déchéance, qui s’organisent en un montage fragmentaire de faits réels et d’évènements fantasmés... Le film réédité en 2011 a été présenté dans une version restaurée. Longtemps invisible, Portrait d'une enfant déchue avait été un échec critique et public à sa sortie, et Universal avait présenté (dans une seule salle excentrée de Manhattan, sans promotion) une copie tronquée reniée par l'auteur : dans celle-ci, une voix off explicative dans le prologue tentait de donner un vernis psychologique et rassurant au dispositif. Sur l'insistance de Pierre Rissient, le film original put être distribué en France où l'accueil fut plus favorable mais un parfum d'œuvre maudite a toujours poursuivi ce premier long métrage d'un ancien photographe de mode... |
Le caractère déstructuré du récit, qui choqua les Américains, est pourtant la base de la réussite d'un film qui dénote, de par son thème, sa forme et son destin, certaines analogies avec Lola Montès de Max Ophuls (1955). Comme Lola, Lou a connu la gloire et la déchéance et revit son passé dans une série de flash-back qui s'avèrent être des projections mentales. Le puzzle narratif nous montre une femme « superficiellement superficielle » dont la beauté et le rapport avec les hommes seront la cause de son ascension autant que de sa chute. Scharzberg évite le « film de photographe » et ne verse jamais dans l'image léchée et la pause. Mais son expérience professionnelle a sans doute nourri l'écriture du scénario et l'aptitude à faire (re)vivre un personnage de mannequin. Icône du cinéma américain depuis Bonnie and Clyde, Faye Dunaway, alors au sommet de sa beauté et de son talent, n'est pas pour rien dans le pouvoir de fascination qu'exerce cette mise en abîme au montage éclaté. Son magnétisme autant que la fragilité de son personnage font rétrospectivement écho aux personnages de losers incarnés par Al Pacino dans Panique à Needle Park (1971) et L'épouvantail (1973), les deux films qui suivront dans la filmographie de Schatzberg. Novateur et fascinant, Portrait d'une enfant déchue est sans doute, avec Deep End de Jerzy Skolimowski, sorti la même année, la plus belle redécouverte cinématographique de ces derniers mois. Gérard Crespo
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1h44 - Etats-Unis - 1971 - Scénario : Carole EASTMAN, Jerry SCHATZBERG, d'après le récit de Carole Eastman - Interprétation : Faye DUNAWAY, Viveca LINFORS, Roy SCHEIDER. |