Tamara Drewe |
« Welcome to Yokelland » On n’est pas en compétition officielle pour rigoler : partant de cet axiome Stephen Frears a été évincé de la course à la Palme, pour cette tragi-comédie dont le curseur comique grimpe au fur et à mesure que le tragique gagne du terrain. Très librement inspiré de Loin de la foule déchaînée de Thomas Hardy, auquel le réalisateur reconnaissant attribue un rôle virtuel non négligeable, mais surtout adapté de la BD à succès de Posy Simmonds et par définition d’un scénario non écrit, ce film de Stephen Frears explore en revanche un story-board prêt à l’emploi avec un plaisir évident et communicatif. L’histoire prend place à Stonefield, petit village du Dorset, et installe son inénarrable galerie de personnages en deux lieux bien précis, entre lesquels viennent s’insérer quelques go-betweens : - d’un côté la résidence pour écrivains tenue par Beth et Nicholas : Beth, « a marvel! », muse désillusionnée de Nicholas que celui-ci s’acharne à tromper de façon éhontée ; Nicholas, auteur de polars à succès, en mal de reconnaissance par l’élite de la profession ; leur hôte principal est Glen, attiré par Beth, écrivain américain laborieux d’une bio consacrée à Thomas Hardy, taxé par Nicholas de « chieur pleurnichard » ; - en face, la ferme Vinnards : où débarque un beau jour la belle Tamara Drewe, journaliste dans la presse people, revenue au village aux fins de vendre le domaine de sa mère ; elle y est rapidement rejointe par Ben, batteur un peu crétin et narcissique du groupe Swipe égaré dans ce trou avec son chien affoleur de vaches ;
|
- entre les deux : Andy, campagnard dans l’âme, d’une part jardinier chez les Hardiment, d’autre part gardien de la ferme Drewe, et follement amoureux depuis l’enfance de Tamara, même et surtout avant qu’elle ne rectifie la proéminence de son nez ; et les deux dernières petites larronnes qui en ont profité pour affubler Tamara du doux surnom de « Plastique » : la craquante Jody, raide dingue de Ben, entraînant Casey, fille de Beth et Nicholas(shole) dans des planques propices à la moisson de scoops concupiscents. Le directeur d’acteurs hors pair qu’est Stephen Frears s’en donne à cœur joie pour orchestrer par homes sweet homes interposés les règlements de compte de ce microcosme majoritairement intelligent et bavard, et accroche un nouveau genre à son tableau de chasse puisqu’il revendique son dernier opus en tant que western, lequel est effectivement peuplé de vaches galopantes à leurs heures. Joyau d’un casting épatant, Genna Aterton fait merveille dans le rôle titre, sans jamais tomber dans la caricature : sexy, malicieuse, sympathique, insoumise, spontanée, candidate à l’amour, acquise à la célébrité mais en quête de talent, débarrassée de son complexe nasal, elle est la créature parfaitement calibrée pour semer le trouble et éveiller toutes les jalousies ne demandant qu’à fleurir dans cette si paisible campagne anglaise. Sur un ton libre et plein de charme, Frears se moque gentiment du monde des écrivains, des petites lâchetés et des grandes espérances que distillent les drames de l’existence et offre à son public un moment de pure délectation. Marie-Jo Astic
|
1h49 - Royaume-Uni - Scénario : Moira BUFFINI, d'après le roman graphique de Posy Simmonds - Interprétation : Gemma ARTERTON, Tamsin GREIG, Dominic COOPER. |