La Nostra vita |
« La vie continue même sans nous » Et la vita è bella pour Claudio et Elena qui, avec leurs deux enfants et bientôt trois, profitent de leur existence simple et heureuse au rythme de leur romance fétiche. Ma ! le destin en décide autrement en ôtant la vie à la maman du petit Vasco, prénom prémonitoire, qui va devoir s’aventurer dans divers bras se succédant selon les disponibilités pour permettre à son père de continuer à gagner le pain quotidien de la famille. Déniant sa douleur, Claudio s’engouffre dans une course à l’argent, persuadé qu’il est qu’« acheter des trucs » à ses enfants leur procurera le meilleur palliatif au deuil qu’ils doivent faire de leur mère. À travers cette approche, Daniele Luchetti dépeint le tableau d’une tranche de population aujourd’hui émergente et assez indéfinissable : ni riche, ni pauvre, comme étrangère en son propre pays. Des désenchantés néanmoins accrochés au goût de vivre qui font leur quotidien de plus ou moins petites combines au royaume des économies parallèles. Assez limités côté intellect, volontiers racistes envers les plus faibles qu’eux, et particulièrement envers les travailleurs clandestins. Ceux-ci font partie intégrante de l’univers de Claudio, chef de chantier dans le bâtiment de très médiocre standing qui fleurit dans la banlieue romaine et constitue forcément un terrain propice aux malversations et autres forfaitures. Lorsqu’il découvre le cadavre d’un gardien de nuit au fond de la cage d’ascenseur en construction, il le fait disparaître pour éviter tout risque de retard du chantier et « s’arrange » avec son patron pour obtenir la responsabilité d’un immeuble entier. |
À la galerie de personnages aussi attachants qu’éclectiques déjà mise en place, via la propre famille de Claudio (et son atypique frère Piero, interprété par le beau Raoul Bova), puis le pittoresque couple Céleste/Ari, s’ajoutent alors Gabriella, veuve du travailleur roumain escamoté et son fils Matteo, que Claudio va embaucher, sur le chantier et en tant que nouvelle nounou de Vasco. Là encore Claudio prend des décisions, sans que jamais le remord qui le fait agir ainsi ne soit perceptible. Qu’il s’agisse de l’Italie berlusconienne ou des personnages, livrés à eux-mêmes avec leur force et leurs faiblesses, Luchetti ne démontre ni n’explique rien. C’est ce parti pris dans la distanciation de la mise en scène qui lui a principalement été reprochée. C’est pourtant ce regard en retrait qui fait la force de La Nostra Vita, la fébrilité permanente d’un filmage à l’épaule et la musique tonitruante qui lui donne ce rythme particulier, la salutaire idée de privilégier la vie par rapport au misérabilisme, la pudeur finalement avec laquelle le « père de merde » renoue avec ses enfants dans le souvenir de la disparue. Et Elio Germano confirme son magnifique talent, son impulsivité à fleur de peau, même si Claudio reste un petit ton au dessous du Accio de Mon frère est unique. Marie-Jo Astic
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1h33 - Italie - Scénario : Daniele LUCHETTI, Sandro PETRAGLIA, Stefano RULLI - Interprétation : Raoul BOVA, Elio GERMANO, Awa LY. |